Cher.e.s camarades,
Cette question de l’attractivité n’est pas nouvelle dans les ESN. Déjà dans les rapports de branche de 1986, le patronat notait le problème d’« une hausse des salaires entraînée par la pénurie d’informaticiens qualifiés ». Encore en 1985, il semblait être préoccupé par « une pénurie toujours plus forte d’informaticiens qualifiés, de haut et de très haut niveau ». Même constat en 1987 : « les hausses de salaires entrainées par la pénurie d’informaticiens de haut niveau, et la concurrence des autres acteurs de l’économie recherchant les mêmes profils pointus ».
Et jusqu’à aujourd’hui, les rapports de branche restent de la même veine.
Si aujourd’hui, cette question réapparaît avec plus de force, c’est qu’elle a émergé du gouvernement. En effet, le chantier dit « des métiers en tension » a été inscrit dans l’agenda social défini par le gouvernement à la demande des organisations patronales. L’objectif assumé est de résorber les difficultés de recrutement et des métiers en tension. Un certain nombre de branche ont été ciblées, dont la branche numérique, ingénierie, conseil et événement, avec certains métiers comme data scientist, développeur et cyber sécurité.
C’est Monsieur Bernard Maurin du ministère du travail qui a été chargé de suivre la branche sous l’égide de Monsieur Philippe Dole nommé par la ministre du travail Elisabeth Borne. Ils se sont appuyés sur une étude de la Dares et de France Stratégie intitulé « Métiers 2030 », rapport du groupe prospective des métiers et qualifications.
Dans un premier temps, les organisations syndicales et patronales représentatives ont été reçues en bilatéral avec un questionnaire en mai 2021. Nous avons alors pu développer notre argumentaire qui a tourné autour du manque de garantie sociale à la hauteur des enjeux :
- Rémunération.
- Classification et reconnaissance des métiers.
- Conditions de travail.
- Organisation du travail et temps de travail.
- Evolution de carrière.
Et toutes les insuffisances dans la convention collective.
C’est en Commission Paritaire Nationale de l’Emploi et de la Formation Professionnelle du 16 septembre 2021 que nous avons encore une fois fait part de notre diagnostic, à savoir :
- Des augmentations salariales plafonnées ;
- Les cadres très qualifiés et pourtant mal payés. Cette gestion fait des entreprises une fabrique de cadres low-cost ;
- Une absence de choix dans les missions proposées ;
- Une absence de perspective d’évolution de carrière …
- Faisant de la branche un simple marchepied vers le monde du travail, revendiquée par ailleurs par le patronat qui prône la culture du jeunisme.
En conséquence, les entreprises de la branche gèrent l’emploi à la mission et ainsi recrutent pour une mission sans se soucier de l’après … Or, la problématique actuelle pour les ESN est la création de valeur pour le client et non plus, comme c’est trop souvent le cas, de faire en complément ou à la place du client, comme c’est le cas de la régie par exemple. Les mauvaises conditions de travail et un temps de travail exorbitant sont également des freins à l’attractivité. Nos interlocuteurs de la DGT nous ont indiqué qu’effectivement la politique sociale au sens de politique de rémunération et évolution professionnelle avait été identifiée comme facteur de difficulté de recrutement. Et qu’à ce titre, ils entendaient encourager la négociation.
Dont acte, sauf que, et nous l’avons dit, des négociations ont lieu tous les mois dans la branche et ces échanges ont lieu de longue date…. Et restent sans effet.
Pour le moment, les offensives patronales visent un allongement de la durée du travail, un élargissement des forfaits sans contrôle plutôt que la mise en place de mesures favorisant le maintien dans leur emploi des salariés et la baisse du turnover. La négociation ne peut être un alibi, ni un levier pour le patronat de sabrer tous les droits en échange de quelques euros. Il ne peut pas être question de discuter d’éléments fondamentaux du rapport salarial, de la définition de ce qu’est le travail uniquement à travers le prisme des problématiques de recrutement. Par ailleurs, lorsque l’on parle recrutement on parle d’emploi. Et sur ce sujet, les évolutions des activités au sein de la branche entraînent de nécessaires « reclassements » : sur ce point nous avons interrogé le ministère sur ce que l’Etat, dans la droite ligne des déclarations du président de la République sur la réimplantation / maintien en France d’activités stratégiques, sur ce qui était considéré comme stratégique.
Le seul retour que nous avons eu est la mise à signature d’une « charte de développement et des compétences dans la branche des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs conseils et des sociétés de conseil », charte que la CGT et la CFDT ont refusé de signer, sur laquelle un communiqué de presse a été publié.
C’est dans ce cadre que nous avons décidé de confier une étude à un cabinet d’expertise et de conseil, Sextant expertise, afin de nous approprier les enjeux qui se posent à nous. Au préalable de l’analyse des besoins d’évolution du secteur des ESN pour mener vers une meilleure attractivité et fidélisation des salariés dans les diverses entreprises, une étape de bilan de l’offre et de la demande actuelle doit être réalisée.
Cette étape visera à définir les profils recherchés, la démographie du secteur, les compétences attendues et l’évolution géographique du placement des entreprises.
Nous remercions à cet effet Mesdames Isabelle NICOLAS, Clémence TURPIN, Marion COSTARD et Monsieur Michel MARTIN de ce cabinet d’expertise.