La bataille concernant les forfaits jours est un enjeu important pour l’ensemble du salariat.
Sa mise en place répondait à deux problématiques :
- les heures supplémentaires pour la catégorie cadre,
- le changement de modèle de relations sociales.
En effet, il s’agissait avant tout de « légaliser » des pratiques illégales qui consistaient à ne jamais payer les heures supplémentaires des cadres. La mise en place de cette disposition n’a rien à voir avec la réduction du temps de travail mais est plutôt liée à une augmentation du temps de travail pour les cadres. Et ce d’autant plus important pour le patronat que le nombre de cadres a explosé depuis les années 1970 [même si par rapport aux cadres des années 60, il faudrait plutôt parler de cadres « Low Cost »].
Avec le « libéralisme économique », on passe d’une « société disciplinaire » à un « nouvel individualisme ». Il y a un changement de paradigme où le modèle paternaliste s’efface au profit du modèle individualiste dans lequel le forfait jours, en terme d’organisation du travail, est devenu central. Il s’articule autour du :
- culte de l’authenticité,
- culte du volontarisme,
- culte de l’autonomie.
Le tout baignant dans une réthorique de l’employabilité. La fin d’un certain taylorisme s’accompagne d’une nouvelle forme d’autonomie dans le travail où les modèles de compétences mobilisent la subjectivité des salariés. Il s’agit pour le patronat de favoriser une prise de décision individuelle dans un environnement contraint : les objectifs à atteindre.
Le forfait jours permet donc une soumission… librement consentie, une liberté dans le carcan de la stratégie de l’entreprise qui elle, n’est pas discutable. Plus les salariés sont libres de gérer leur emploi du temps, plus ils se doivent d’être performants et disponibles. En même temps, l’employeur vise l’excellence et rend responsable le salarié de ses erreurs au nom de la liberté et de la responsabilité que lui confèrent son autonomie. Au royaume de l’employabilité, parce qu’il est « libre », il doit être adaptable et flexible et par conséquent devenir « versatile ». Les entreprises dictent les conditions
à respecter et les objectifs à atteindre tout en exigeant l’autonomie des salariés. Il s’agit en réalité d’instrumentaliser cette dernière pour se débarasser des responsabilités de l’entreprise et tenir pour responsable de tout échec le salarié qualifié d’autonome.
Cette réthorique de l’autonomie est consubstantielle au forfait jours. C’est dans ce cadre que l’on fait miroiter aux salariés qu’ils sont maîtres de leur destin tout en se conformant aux diktats du patronat. A la fois les salariés sont invités à faire preuve d’initiative et à prendre des risques et en même temps, ils se doivent de réaliser les objectifs fixés par la direction, c’est une façon de faire croire aux esclaves qu’ils sont maîtres.
Dans ce nouveau mode d’organisation du travail, l’échec du salarié ne peut provenir que du manque de motivation ou de compétences nécessaires. Les salariés poussés au mimétisme, au conformisme et au contrôle de ces propres pratiques, n’ont jamais été aussi peu épanouis professionnellement qu’aujourd’hui.
C’est pourquoi, la Fédération a engagé, depuis 1999 (accord de branche SYNTEC) une bataille pour l’abolition du forfait jours synonyme de déconstruction du collectif. C’est parce qu’il correspond à une organisation du travail qui repose sur la déresponsabilisation du patron et la culpabilité du salarié que celui-ci ne peut-être encadré.