Cette journée d’étude, d’échanges, de réflexion du 19 septembre 2013, on en parlait depuis le siècle dernier avec Noël LECHAT, qui était très demandeur. Franchir le pas n’a pas été chose aisée, et je dois remercier la fédération, qui y a cru et a décidé d’y mettre des moyens inhabituels.
Mais cela n’aurait pas été possible non plus, en tous cas pas dans une configuration aussi ambitieuse sans les camarades et amies
qui ont accepté cette aventure très prenante.
Kéo Nackphouminh, Cheffe de projets européens, du Cabinet Emergences, qui nous fait profiter de son expérience professionnelle
en matière d’organisation et de son engagement militant sur ces questions ; Michèle Loup, de tous les combats contre les violences faites aux femmes depuis des années, en tant que syndicaliste, en tant qu’élue, en tant que militante féministe … Sérénade Chafik, dont les longs combats contre un régime patriarcal ancré dans des schémas soi-disant religieux et/ou « culturels » ont été répercutés par les médias ; Corinne Provost, avec qui voici des années nous avons construit des passerelles entre Collectif Santé mentale au travail et Collectif Femmes Mixité, à une époque où la Cgt avait quelque peu délaissé le travail sur le travail. Grâce à notre camarade psychologue du travail Jean-Claude Valette, nous avons pu y développer et intégrer la dimension de genre dans une approche pionnière. Corinne a immédiatement investi une énergie sans limites dans notre projet fédéral, et ses talents de photographe autant que son incroyable expérience militante sur Nantes. C’est elle aussi, qui présentait l’exposition de Clara-Magazine.
L’après-midi a été introduite par notre amie économiste Rachel Silvera, experte des questions de genre au niveau français et européen. Nous l’avons consacrée à la prise en charge individuelle et collective. Ernestine Ronai y a décrypté pour nous les mécanismes d’emprise.
Ernestine est une grande dame, une militante infatigable, fondatrice et responsable de l’Observatoire des violences envers les femmes du conseil général de Seine-Saint-Denis et coordinatrice nationale de la lutte contre les violences faites aux femmes au sein de la mission interministérielle de protection des femmes (MIPROF). Gisèle Amoussou, de l’Avft, a apporté un éclairage juridique sur les violences au travail : explication critique de la loi, définition des différentes infractions, recours judiciaires. L’Avft, association de référence avec laquelle la Cgt travaille depuis toujours, a beaucoup pesé en faveur de la pénalisation des violences sexistes et sexuelles en entreprise, et d’une réécriture de la loi, en 2012, plus favorable aux victimes.
Céline Verzeletti, ancienne Secrétaire générale de la Fédération des Personnels de l’Administration pénitentiaire, membre de la direction confédérale et nouvelle animatrice de la Commission confédérale Femmes Mixité avec Sophie Binet, a partagé cette journée avec nous. Avec Céline, nous avons travaillé la question des pistes d’intervention en entreprise et des outils, pour les Institutions Représentatifs du Personnel et les organisations syndicales ; elle a exposé par ailleurs le plan de travail de la Commission confédérale.
Et nous avons eu le plaisir d’accueillir tout au long de cette journée Veronica Fernandez Mendez, cheffe du Département Egalité des Chances d’UNI Global Union, la fédération syndicale internationale des services à laquelle est affiliée notre fédé. Veronica a présenté les campagnes impulsées par UNI au niveau européen et mondial et les projets en cours…
Maryse Dumas était malheureusement excusée, en raison d’une urgence familiale. Je tiens à dire que Maryse a fortement soutenu cette initiative, qui s’inscrit également dans la démarche qu’elle impulse au sein de la CGT, de sensibilisation aux problématiques du genre, sans tabou aucun.
Le sujet est difficile en lui-même. Sans surprise, au cours du travail de préparation de la journée, nous avons croisé quelques regards narquois, essuyé quelques remarques condescendantes, décelé quelques marques de suspicion…
Nous intéresser aux violences sexistes et sexuelles, est-ce bien notre rôle ? Mais surtout, pourquoi nous mêler de la soi-disant « sphère privée » ?
Pourquoi ? Eh bien on va commencer par un scoop : figurez-vous que la domination masculine n’a pas été inventée par le patronat. Figurez-vous que les inégalités professionnelles ne sont qu’une conséquence indissociable d’inégalités dans la vie mises en place bien avant le système capitaliste. Même si celui-ci a trouvé son intérêt à renforcer le système inégalitaire. Cette prise de conscience progresse, mais on a encore du chemin à parcourir !
Et puis en tant que syndicalistes, qui portons des valeurs de dignité, de liberté, d’égalité, de solidarité, n’est-il pas de notre devoir, de notre responsabilité, de réagir à toute forme d’oppression ? Quel que soit le lieu : travail, syndicat, foyer ? Ou bien le hors-travail échapperait-il soudain à notre champ de réflexion ? On constate à l’envi que les frontières sont de plus en plus poreuses entre les différents temps de vie ; on dénonce sans cesse les difficultés croissantes à les articuler ; mais on jetterait un voile pudique sur des atteintes aux droits humains d’une ampleur et d’une gravité considérables dès lors qu’on serait hors de l’entreprise ? Ce n’est pas pensable !
Les violences domestiques sont également une atteinte aux droits des femmes au travail, aux études, à la participation à la vie citoyenne (syndicale, associative, politique…). Les militantes espagnoles, entre autres, ont fait avancer les choses dans ce domaine, et nos instances internationales intègrent dans leur approche les violences hors-travail. C’est le cas de notre fédération UNI et, nous n’en doutons pas, cela va être le cas du mouvement syndical français. On nous objecte parfois n’avoir jamais connu de «femme battue» ? C’est statistiquement peu probable ! Mais sans doute ne les voit-on pas, nos collègues qui se retrouvent en difficulté dans leur emploi : retards répétés, négligences, absentéisme, difficultés relationnelles… toujours en train de se plaindre… toujours malades, fatiguées… sans doute des simulatrices ? Ou, au contraire, se dépensant sans compter dans cette activité qui les soustrait à l’enfer domestique. C’est qu’il nous faut apprendre à écouter les silences, voir l’invisible, faire parler les non-dits…
Certes, nous n’avons pas vocation à nous substituer aux professionnel-le-s des différents champs disciplinaires concernés. Mais déjà, et c’est l’ambition de cette journée, être en capacité de poser et de SE poser les bonnes questions afin de repérer l’intolérable ; et dans les limites de nos prérogatives, de nos compétences, de nos savoir-faire, d’identifier des pistes d’intervention, de travail à mener, de coopérations à établir avec des acteurs et actrices telles que les associations, la médecine du travail, l’inspection du travail…
En tant que syndicalistes, en tant que Délégué-e du Personnel, membre du Comité d’Entreprise, membre du Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail, quelle prise en charge de notre part? Comment défendons-nous les femmes face au risque de licenciement, quelles protections pouvons-nous négocier auprès des employeurs, collectivement ou au cas par cas ?
Notre démarche un peu atypique pose un acte syndical fort sur la question. Nos invitées étaient issues non seulement de nos milieux syndicaux, mais aussi du monde associatif et politique. Malheureusement, les contraintes temporelles nous ont obligées à réduire la voilure en matière de nombre et de longueur des interventions, afin de privilégier les échanges avec la salle. D’où une approche qui n’était pas aussi multidisciplinaire que nous l’aurions souhaité.
Nous avions volontairement renoncé à inviter médecins, psychologues, spécialistes en droit du travail… J’avoue avoir scandaleusement fait pression sur toutes nos expertes afin de limiter la durée et le champ de leurs interventions. Dans l’attente de la mise en place d’autres journées, voire de modules de formation complets, cette diversité d’approches nous semblait néanmoins un 1er pas nécessaire pour sortir de l’entre soi, des tabous, des approximations. Il incombe à toute la Cgt d’intégrer cette problématique dans les questions revendicatives, comme cela a été peu à peu le cas pour les questions d’égalité professionnelle.
D’intégrer, à travers nos formations, la prise en charge des violences d’un point de vue syndical …