En 2016, le gouvernement de Manuel Valls avait fait passer en force une loi, dite « Loi travail El Khomri », par le biais d’un article de la Constitution (article 49.3) qui autorise l’adoption d’une loi sans qu’elle soit débattue ni à l’Assemblée nationale, ni au Sénat. Cette loi chamboulait totalement la hiérarchie de la négociation collective en France, privilégiant, sur le temps de travail et les congés, la négociation au niveau de l’entreprise plutôt qu’au niveau national, ce qui revient à précariser encore plus les conditions de travail.
En mai cette année, après des élections présidentielles suivies d’élections législatives très âpres, le gouvernement nommé par le Président Emmanuel Macron, a décidé de pousser encore plus loin le non-respect des voies parlementaires, en faisant voter par les deux chambres une loi d’habilitation qui lui permet de légiférer par ordonnances. Dans les faits, cela signifie que le gouvernement est autorisé à publier une ordonnance, qui entre immédiatement en vigueur. Elle sera ensuite soumise à l’Assemblée nationale et au Sénat, mais uniquement pour ratification, c’est-à-dire sans discussion aucune, ni possibilité d’amendements. Si les deux chambres ratifient le texte, il devient loi, sinon, il reste un décret mais s’applique de la même manière. Puisque le parti du président (« En marche ») est largement majoritaire, il est à prévoir que les différentes ordonnances seront ratifiées sans difficulté.
Une des premières décisions du gouvernement concerne l’élaboration et la ratification d’une nouvelle réforme du code du travail, dite « Loi Travail XXL », qui s’inscrit dans le prolongement de la première, et qui constitue une nouvelle dégradation du statut et des conditions de travail des salariés.
Déjà au printemps la CGT et FO avaient déposé une plainte conjointe, auprès de l’Organisation internationale du travail (OIT), concernant les violations par la loi travail « El Khomri » des conventions 87 (liberté d’association), 98 (négociation collective) et 158 (licenciement). La plainte vise notamment à faire condamner le climat de répression anti-syndicale en 2016, la possibilité de négociation d’accords dérogatoires par les employeurs et la création d’un troisième motif de licenciement à la discrétion de l’employeur (en plus des licenciements pour faute et économique).
L’an dernier, 70% des travailleurs s’opposaient à la première loi travail. La situation est identique aujourd’hui, et pourtant, le nouveau gouvernement veut aller vite et utilise la période estivale en France – juillet et août, peu propices à la mobilisation – pour faire ratifier ces ordonnances et les transformer en lois de la république.
L’objectif premier de cette nouvelle réforme est de donner toujours plus de place à la négociation des accords au niveau de chaque entreprise, au détriment de la loi nationale, et donc d’inverser la hiérarchie des normes régissant les relations de travail et ce, sur tous les thèmes de la négociation collective. L’accord d’entreprise prendrait même précédence sur le contrat de travail. Il y aura alors une réglementation du travail différente suivant les entreprises, permettant une mise en concurrence plus forte des travailleuses et des travailleurs. Pour que les employeurs puissent parvenir à la signature de ces accords d’entreprise, le gouvernement entend leur permettre de négocier en dehors des syndicats ou par le biais de référendums organisés de leur propre initiative. Afin de mieux contourner les instances représentatives des travailleurs, le gouvernement a décidé de regrouper les 3 instances actuelles de représentation des travailleurs (délégué du personnel, comité d’entreprise, comité hygiène, sécurité et conditions de travail) en une seule. Ce regroupement va supprimer des moyens aux élus et mandatés de ces instances et risque de faire passer les questions de santé et sécurité au travail au second plan des enjeux de l’entreprise.
Enfin, le gouvernement préconise que ces accords d’entreprise puissent modifier le contrat de travail ; que le recours à la précarité (CDD, intérim) soit élargi ; que des contrats d’opération (ou de mission à durée limitée) soient développés et que les employeurs qui licencient de manière abusive et illégale soient assurés d’une pénalité plafond en cas de recours à la justice par les travailleuses et les travailleurs.
Le gouvernement restant très méfiant des réactions du monde du travail, il n’a pour l’instant proposé aucun texte, mais simplement informé oralement les organisations syndicales des grandes lignes probables du contenu de la réforme. Des réunions individuelles ont bien eu lieu – 6 heures en tout par organisation syndicale ! –, mais il ne s’agissait nullement de concertation ni de négociation, uniquement d’information. Il n’y a aucune transparence.
Un texte sera rendu public le 31 août par le gouvernement. Il sera ratifié par le conseil des ministres pour une mise en oeuvre avant le début de l’automne.
Cette loi travail XXL accentue et aggrave la vulnérabilité et la précarité: toujours moins de droits pour les travailleuses et les travailleurs, moins de marge de manoeuvre pour leurs organisations représentatives et plus de liberté pour les employeurs, y compris, pour s’affranchir de la légalité.
La CGT ne peut se satisfaire de cette situation ambiguë. Notre volonté est d’inscrire en grand la question du « Travail » dans un débat démocratique pluriel, à l’opposé d’une loi élaborée en catimini par le gouvernement avec l’aval du patronat. Nous jugeons inacceptable de ne pas avoir été saisis de manière claire pour des négociations de bonne foi. C’est la raison pour laquelle, et sans attendre le texte de cette ordonnance, la CGT a appelé les travailleuses et les travailleurs de France à se mobiliser pour une journée nationale d’action le 12 septembre prochain.
Nous comptons sur la solidarité active de nos amis de par le monde.