AFD – EXPERTISE FRANCE : UN RAPPROCHEMENT MARQUÉ PAR L’IMPROVISATION !

POUR UNE POLITIQUE RH RESPONSABLE AU NIVEAU DU GROUPE

A l’attention des députés membres de la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée Nationale

Avant même la naissance officielle du Groupe AFD à l’été 2021, les élu.es du personnel avaient déjà alerté les directions générales et les parlementaires sur les manquements concernant les sujets qui sont pourtant au cœur du processus d’intégration : les ambitions affichées du nouveau Groupe face à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, la rémunération des salarié.e.s et la question des statuts du personnel en général.

De nombreux aspects de la démarche de rapprochement entre l’AFD et Expertise France, initiée dès 2019, soit bien avant le vote de la loi de programmation du 4 aout 2021 pour le développement solidaire et contre les inégalités mondiales, démontrent l’impréparation sur les plans stratégique, organisationnel et de gestion des Ressources Humaines de l’opération.

Nous, élu.es CGT de l’AFD et CGT-Solidaires d’EF, ainsi que la Fédération CGT des Finances et la Fédérations CGT des Sociétés d’études, notons une grave absence d’anticipation de la part des DG et surtout des ministères de tutelle dont le seul souci a été de figer la masse salariale de l’AFD. Le dernier Contrat d’objectifs et de moyens (2020 – 2022) est révélateur à cet égard: l’AFD s’y inscrit dans « la perspective de maîtrise de la masse salariale », cet objectif étant présenté comme l’une des motivations de la réforme du statut du personnel.
Le DG de l’AFD a en outre déclaré devant la commission du Sénat en juillet 2021 que « l’Etat a en partie conditionné la dernière recapitalisation de l’agence, effectuée à l’automne 2020, à un effort de stabilisation de la masse salariale ». Ainsi a-t-on fait le choix de geler la masse salariale et donc le nombre d’ETP, sans considération aucune pour les moyens nécessaires à l’accompagnement de l’ambitieux rapprochement de l’AFD et d’Expertise France.
A cela s’ajoute des principes de mobilités inacceptables des agents d’EF vers l’AFD, à qui l’on propose des conditions de rémunération 20 à 30% inférieures aux collègues de l’AFD, laissant penser à une main d’oeuvre qualifiée mais moins chère sur les mêmes postes. A l’inverse, des cadres de l’AFD en mobilité vers EF avec des rémunérations in fine plus élevées que leurs futurs managers à EF.

Sur le plan des ressources humaines, l’élaboration d’une politique Groupe n’en est qu’à ses balbutiements et marque l’absence d’anticipation des Directions et des Ministères de tutelle.

On note :

Une Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Parcours Professionnels inexistante (GEPP depuis les ordonnances Macron de 2017, anciennement GPEC). Aujourd’hui, alors que la loi le prévoit, ni l’AFD ni Expertise France (EF) ne dispose d’un accord commun sur la mise en place de ce dispositif. Les conséquences en sont lourdes : absence d’un plan d’accompagnement pour les salariés à l’échelle du groupe ; un turn-over s’élevant autour de 20 % chez Expertise France l’an dernier ; des démissions et des postes non-pourvus à Proparco (filiale de financement du secteur privé du Groupe AFD).

Une cartographie de l’ensemble des métiers et un état des lieux des compétences et des expertises manquants avec pour conséquence l’absence d’un plan d’accompagnement pour une adaptation des moyens et une montée en compétence dans les diverses entités du Groupe. Une feuille de route dans ce domaine fait toujours défaut alors même que les équipes opérationnelles subissent réorganisations et changements au pas de charge, avec une augmentation notoire des risques psychosociaux.

Une situation qui contribue à la confusion qui perdure au sujet des missions respectives de l’AFD et d’EF, les deux entités étant positionnées sur des secteurs d’intervention similaires sans qu’une démarche Groupe claire n’ait été définie en amont de leur rapprochement. Ceci suscite de fréquentes interrogations chez nos partenaires et de la part des bénéficiaires des projets de développement portés par le Groupe. Les positionnements des deux entités, chacune sur ses métiers et dans son rôle, doivent être clarifiés, cela sans a priori sur la valeur supposée de leur contribution respective à la marche du Groupe. Aussi la complémentarité des métiers et des tâches dans un ensemble opérationnel cohérent doit être mis en avant, ceci devant trouver sa traduction dans la convergence des politiques RH et salariale de l’AFD et d’EF.

Une politique salariale, qui, faute de moyens, n’est pas en adéquation avec les objectifs et orientations fixés dans la loi comme au niveau des différents Contrats d’objectifs et de moyens (COM).
Le COM d’EF annonce la fidélisation des salarié.es, en proposant concrètement de plus en plus de contrats précaires pour mieux maîtriser la masse salariale et sans offrir des perspectives d’évolution satisfaisantes aux cadres comme aux fonctions support. Ces derniers se retrouvent particulièrement vulnérables et dénigrés par les réorganisations successives à l’AFD comme à EF, avec des pertes de pouvoir d’achats notables[1].

Cette intégration lève le voile sur de graves iniquités de la politique salariale au sein du groupe : alors que les discussions sur l’intégration ont débuté en 2018 et que les CSE d’EF et de l’AFD alertent régulièrement les DG sur la base d’une étude comparative des statuts, l’improvisation prévaut dans l’élaboration de la politique salariale du Groupe. Ainsi se révèle-t-elle en avril 2021 suite à une grève à EF ayant abouti à la mise en place d’un 13ème mois à EF (contre 13,4 à l’AFD) mais encore en avril 2022 avec la proposition irresponsable faite aux élu.es d’EF d’ouvrir le dispositif d’intéressement de l’AFD aux salarié.es d’EF (pour une possible application…en 2024), sans consultation préalable des Organisations Syndicales de l’AFD (!), et surtout sans que d’autres mesures plus sérieuses soient proposées. Cette méthode n’est en aucun cas à la mesure des enjeux.

Avec l’ambition affirmée dans la loi du 4 aout 2021, d’un passage de 0,55 à 0,7% du PIB pour l’APD et de répondre à un nombre d’enjeux croissants (objectifs de développement durable, politique féministe…), l’Etat ne peut faire l’économie d’une réflexion collective approfondie sur les moyens qu’il est nécessaire de mobiliser.

Nous, syndicats CGT et Solidaires de l’AFD et d’Expertise France, demandons :

  • L’élaboration au plus vite d’un plan pour les deux institutions prises dans un même ensemble, à la fois de gestion des emplois et des parcours professionnels et de convergence des conditions salariales. Cette démarche RH doit précéder la mise en place d’un Statut unique du personnel (englobant l’AFD, EF et les personnels locaux des implantations du Groupe) afin de renforcer la cohésion des équipes et l’identité du Groupe.
  • La constitution d’une UES (union économique et sociale1) entre l’AFD et EF, laquelle doit naturellement venir parachever le plan de convergence devenu indispensable pour une gestion des RH cohérente et constitue la garantie d’un dialogue social unifié au niveau du Groupe.
  • Une étude du modèle économique d’EF, lequel impacte plus largement celui du Groupe AFD (AFD, Expertise France, Proparco). Cette étude, sur la base d’une comparaison avec ceux d’autres agences d’assistance technique, principalement celles des autres membres de l’Union Européenne, doit aider à définir le calibrage des moyens financiers et ceux à consacrer aux ressources humaines, ces derniers semblant laissées pour compte, telles des « variables d’ajustement », dans les schémas présentés, stratégiques, organisationnels et budgétaires, notamment dans les Contrats d’Objectifs et de Moyens de l’AFD comme d’Expertise France.
  • Nous soulignons également que le statut du personnel de l’AFD, signé par le Ministre des Finances sans négociation préalable le 30 mai dernier, ne répond qu’à l’unique objectif budgétaire de « pilotage » de la masse salariale. Gros de régressions sociales dénoncées par plusieurs mouvements sociaux en 2021 et 2022, il ne répond aucunement aux enjeux d’une intégration réussie de l’AFD et d’Expertise France. Il fait d’ailleurs l’objet d’un recours devant le Conseil d’Etat, introduit par trois syndicats majoritaires de l’AFD.

En conclusion, nous demandons à ce que les ministères de tutelles corrigent la trajectoire en dégageant les moyens indispensables à ce rapprochement et présentés dans un plan d’ensemble cohérent pour les opérations conjointes de l’AFD et d’EF. Et cela afin d’être à la hauteur des ambitions affichées sans alimenter les iniquités ou les régressions sociales au sein du groupe.

Les syndicats CGT de l’AFD et d’Expertise France, soutenus par les syndicats Solidaires et UNSA d’Expertise France ainsi que les Fédérations CGT des Finances et CGT des Sociétés d’études.


  1. Nouveau statut à l’AFD, augmentation toujours insuffisante des salaires chez EF compte tenu de l’inflation.
  2. L’UES est une notion contraignant au regroupement de plusieurs entreprises juridiquement distinctes pour la mise en place d’un CSE commun.

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