Si en théorie, la seule interdiction explicitement fixée par le Code du travail concerne « Les activités de services à la personne » qui ne peuvent en aucun cas faire l’objet d’un contrat en portage salarial (Art. L.1254-5).
En pratique, il existe un grand nombre de dispositions légales applicables soit au portage salarial, soit à l’activité réalisée, qui limite l’accès à cette forme de contrat.
Comme exposé en préambule, il existe un certain nombre d’interdictions/exclusions du recours au portage salarial, liées aux type de clients, au poste occupé dans l’entreprise cliente, et aux conditions d’exercice d’une activité particulière ou de reconnaissance d’un statut qui lui est lié.
Interdiction de la clientèle « particuliers »
Nous avons celle portant sur la limitation de la clientèle pouvant avoir recours à un.e salarié.e porté.e. Au-delà même des services à la personne, il ne peut y avoir de mission passée avec des particuliers. L’article L.1254-1 du Code du travail limite le bénéfice, de la prestation d’un.e salarié.e porté.e, à la seule « entreprise cliente ». Or d’après l’INSEE, l’entreprise est une « unité économique, juridiquement autonome dont la fonction principale est de produire des biens ou des services pour le marché ». Dès lors, les particuliers sont exclus de la clientèle potentielle des salarié.e.s porté.e.s.
Cette interprétation est confirmée par l’Union Nationale des Entreprises de Portage Spécialisées (UNEPS, organisation patronale) dans « Le guide simplifié des statuts juridiques »[1] (page 9).
Conditions liées au poste occupé chez le client
L’article L.1254-3 du code du travail fixe les possibilités de recours, pour une entreprise cliente, à un.e salarié.e porté. Et il rappelle que celui-ci ne peut se faire que pour l’exécution d’une tâche occasionnelle ne relevant pas de l’activité normale et permanente de l’entreprise ou pour une prestation ponctuelle nécessitant une expertise dont elle ne dispose pas.
Si « l’activité normale et permanente de l’entreprise » n’est pas définie en tant que telle par les textes législatifs, il existe une jurisprudence conséquente sur le sujet notamment liée au recours aux contrats à durée déterminée (CDD) ou à l’intérim. Tous deux sont soumis à cette même règle.
Dans les faits, cela se traduit
La mission réalisée ne doit pas correspondre à l’activité normale de l’entreprise comme par exemple assurer des sessions de formation pour un organisme de formation[2], ou faire le guide touristique pour entreprise organisant des séjours touristiques[3], ou faire de la consultance en informatique dans une ESN (Entreprise de services du numérique, ex-SSII), ou d’être négociateurs immobiliers pour une agence immobilière, etc.
Aux termes de l’article L.1254-4 du Code du travail, la mission en portage salarial ne peut avoir pour objet :
- De remplacer un-e salarié-e dont le contrat de travail est suspendu à la suite d’un conflit collectif de travail ;
- D’effectuer certains travaux particulièrement dangereux figurant sur la liste prévue à l’article L.4154-1 du Code du travail sauf dérogation prévue au même article.
Ce qui fait tout de même un certain nombre de restrictions au recours au portage salarial. Auxquels s’ajoute le fait que la durée maximale d’une mission chez un même client ne peut dépasser les 18 mois, pour les salarié.e.s porté.e.s en CDD[4], et les 36 mois, pour les salarié.e.s porté.e.s en CDI[5].
Nous rappelons que le non-respect de ces règles peut valoir une peine d’amende de 3 750 € par infraction, qui peut être portée à 7 500 € en cas de récidive accompagnée d’une peine de prison de 6 mois, autant pour l’entreprise de portage salarial[6] que pour l’entreprise cliente[7].
A ces peines pénales peuvent s’ajouter une condamnation civile. En effet, l’entreprise de portage salarial et/ou celle cliente peut être condamnée, par le Conseil de prud’hommes, à la requalification du contrat de travail de portage salarial en contrat de travail de droit commun, avec toutes les conséquences que cela implique, notamment en termes indemnitaires.
C’est donc à tort que le patronat du secteur affirme « Un risque nul de requalification en CDI de la relation de travail en portage salarial »[8].
Limitation liée à l’activité exercée
L’exercice à titre exclusif de l’activité de portage salarial imposé au EPS par l’article L.1254-24 du code du travail, les empêche de pouvoir permettre l’accès à certains métiers qui nécessitent des agréments ou d’être salarié d’une certaine catégorie d’entreprises. Cette limitation est, à nouveau, confirmée par l’UNEPS dans son guide précité.
Nous ne citerons que quelques exemples d’activités peu ou pas accessibles au portage salarial :
- Les négociateurs immobiliers, ne peuvent être qu’indépendants, dont le statut est régi par les articles L.134-1 et suivant du Code de commerce, ou salarié de l’agence immobilière, en vertu de l’article 4 de la loi n°70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce dit « Loi Hoguet ».
- Les journalistes ou/et pigistes qui ne peuvent bénéficier de la carte de journaliste, et donc du statut en découle, que s’ils sont employés, en France, par un organe de presse.
- Les intermittents du spectacle dont le bénéfice des avantages des annexes VIII et X de la convention chômage dont le statut est conditionné à l’activité salariée dans une entreprise de production, est expressément listé.
Bien entendu, cette liste n’est pas exhaustive, et nous tenterons de développer ultérieurement notre argumentaire pour chacune des activités pouvant s’avérer à risque pour la personne qui choisit de la pratiquer en portage salarial.
[1] https://uneps.org/guide-simplifie-des-statuts-juridiques/
[2] Cour d’appel de Douai, 28 juin 2019, n°18/01857
[3] Cour d’appel d’Agen, 22 octobre 2019, n°18/00467
[4] Article L.1254-12 du Code du travail
[5] Article L.1254-4 du Code du travail
[6] Article L.1255-15 du Code du travail
[7] Article L.1255-16 du Code du travail
[8] https://www.guideduportage.com/portage-salarial/entreprises-clientes