Les difficultés des salariés des études d’avoué pour faire entendre leurs voix !

Nous reproduisons ci-dessous un texte réalisé par des salariés d’études d’avoués d’Angers.

Le couperet est tombé le 10 Juin 2008 par un simple communiqué du chargé de communication de la Garde des Sceaux annonçant la suppression des avoués de deuxième instance pour le 1er janvier 2010. Déjà, les avoués et leurs salariés étaient dans l’expectative suite au dépôt du rapport de la Commission ATTALI le 23 Janvier 2008 dans lequel était préconisé la fin de la profession d’avoué , afin que le justiciable n’ait qu’un seul représentant tout au long de sa procédure judiciaire, son avocat.Intéressons-nous ici, à ceux dont on a très peu parlés et qui pourtant vont être touchés de plein fouet par cette réforme : les salariés des études d’avoués. Ces salariés dont les deux principales spécificités sont la forte féminisation (90%) et l’importante ancienneté (60% des salariés des études d’avoués ont au moins quinze ans d’ancienneté) se répartissent entre deux catégories d’employés : les secrétaires et collaborateurs ; la majorité des études d’avoué étant construit selon un modèle d’organisation sous forme de « pyramide hiérarchique », avec un ou plusieurs avoués à la tête de l’étude, un nombre plus important de collaborateurs effectuant sensiblement les mêmes tâches que les avoués et ayant pour rôle principal le suivi des dossiers et la rédaction des actes juridiques, et à la base de cette pyramide, la catégorie professionnelle la plus représentée, les secrétaires dont les tâches principales sont la dactylographie, le suivi des agendas, le traitement du courrier, etc. Le modèle salarial, ici présenté, correspond à la forme typique d’organisation du travail au sein des études d’avoués.

La suppression de la profession d’avoué touche ainsi l’ensemble de l’organisation salariale. Et, il ne va pas sans dire que ce sera pour la base salariale à la fois la moins qualifiée (en terme de diplôme) et la plus spécialisée dans des tâches juridiques propres à la procédure d’appel pour qui la reconversion professionnelle risque d’être la plus compliquée. On pourrait penser aux cabinets d’avocats comme potentiel employeur de ces salariés, mais ce marché semble saturé et n’est donc pas en mesure d’absorber les salariés des études d’avoué. En effet, il est nécessaire, ici, de souligner que la composition salariale d’une étude d’avoués est différente de celle d’un cabinet d’avocats. Le ratio de salariés par avoué s’élève à plus de 4, contre à peine 2 pour les avocats. Pour les plus importantes études, on peut décompter jusqu’à 6 ou 7 salariés par avoué.

La suppression de la profession d’avoué – mais faudrait-il davantage parler de la suppression des « professions des études d’avoués » – est annoncée depuis plusieurs longs mois sans savoir exactement la date à laquelle interviendra le licenciement de ces salariés et surtout sans que soient définies les conditions de leur licenciement. Dès lors, comment expliquer le faible écho de leur situation ? Plusieurs interprétations peuvent être avancées pour expliquer ce peu d’intérêt de l’opinion pour le sort de ceux-ci.
En premier lieu, la répartition des salariés sur l’ensemble du territoire français a été un obstacle important pour faire entendre leur cause. En effet, si le nombre global de salariés s’élève à plus de 1800 personnes, il faut souligner que cette population est répartie à travers toutes les villes où siège une Cour d’Appel (35 Cours d’Appel émaillent le territoire, soit en moyenne une cinquantaine de salariés par Cour avec bien entendu des disparités entre par exemple la Cour d’Appel de Paris, comptant 377 salariés et la Cour d’Appel de Limoges en dénombrant seulement 13).
D’autre part, leurs réclamations ont le plus souvent été dominées par celle de la défense de la profession portée par les avoués. Ainsi, les principales manifestations pour s’opposer à la réforme de la procédure d’appel ont été organisées par leur employeur, notamment à Paris en Mars 2008, où le principal mot d’ordre était « Non à la suppression des avoués ! ». Finalement, ces manifestations sont révélatrices de la forte dépendance des salariés à leur employeur.
Un autre aspect important est la faible culture syndicale et militante de ces salariés qui pour une part importante sont réfractaires à l’idée d’une syndicalisation. C’est ainsi que dès le début 2008, une association pour la défense des salariés des études d’avoués non syndiqués (ANPANS) a été mise en place notamment par des collaborateurs d’avoués et comptant aujourd’hui plusieurs centaines d’adhérents. La limite directe de cette stratégie de défense est justement le manque de ressources en terme de militantisme et pour l’organisation d’actions collectives, et surtout le caractère peu lisible et non conventionnel de cette organisation pour participer aux négociations avec les employeurs, les syndicats et le gouvernement quant aux conditions de la réforme.
A l’opposé, pour certains salariés qui n’adhéraient pas – dans les deux sens du terme – à cette association dont le fonctionnement et les objectifs leur semblaient opaques, le contexte politique (mouvements sociaux d’opposition aux réformes sur l’école, la santé, la justice, etc.) et le fait que leurs revendications soient dirigées contre l’impact social de la réforme proposée par le gouvernement a facilité leur adhésion à certains syndicats (CGT et CFDT plus particulièrement).

Finalement, malgré l’engagement et l’investissement de ces salariés pour la défense de leur emploi, la dépendance à leur employeur les place dans ce que l’on pourrait nommer une nouvelle forme de paternalisme patronal. En effet, tiraillés entre une opposition collective à la décision gouvernementale et un rapport individualisé à leur employeur, les salariés sont contraints de se joindre – du moins en partie – à la cause de leurs employeurs pour faire entendre leur voix. Mais arrivera le moment où les intérêts des avoués et ceux des salariés risquent de se distancer voire s’opposer quand viendra le moment de négocier avec le gouvernement, d’une part, pour les premiers, leur indemnisation quant à la liquidation de leur étude ou au financement de leur reconversion, et d’autre part, pour les seconds, l’indemnisation de leur licenciement dont même la qualification juridique peut poser problème puisque la cessation de l’activité des études fera suite à une décision gouvernementale et non à une cause directement économique et financière comme dans les entreprises du secteur privé. Ainsi, c’est cette situation complexe que doivent gérer les salariés des études d’avoué : entre isolement et difficulté pour faire entendre leurs causes, inquiétudes quant à leurs conditions de licenciement ou leurs possibilités de reconversion et surtout absence de lisibilité pour leur avenir professionnel et familial.

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