Nous trouvons sur Internet, un certain nombre d’entreprises de portage salarial vantant les avantages du portage salarial pour les artistes et technicien.ne.s intermittent.e.s du spectacle, qui leur permettraient de conserver leurs droits spécifiques à l’allocation chômage.
Mais est-ce la vérité ? Le statut de salarié porté est-il compatible avec celui des intermittents du spectacle ?
Dans un premier temps, il nous semble important de rappeler la définition du statut d’intermittent du spectacle. Dans un second temps nous le comparerons avec celui de salarié porté.
Quelle est la de finition du régime d’intermittent du spectacle ?
Les artistes et technicien.ne.s intermittent.e.s du spectacle sont des salarié.es en contrat à durée déterminée, le plus souvent en CDD d’usage. De ce fait le régime d’assurance chômage prévoit une réglementation spécifique d’assurance chômage, régulièrement attaquée par le patronat. Ce régime dérogatoire est encadré par l’article L.5424-3 du Code du travail, complété par le L.5424-20 du même code.
Ce sont donc les annexes VIII[1] et X[2] au règlement général annexé à la convention relative à l’assurance chômage, qui fixent, à la fois, les conditions particulières applicables à ce salariat en terme d’ouverture de droit aux allocations chômage, mais aussi la liste limitative des emplois couverts au sein de conventions collectives des entreprises employeuses reconnues comme pouvant bénéficier de ces dispositions[3].
Pour information, les conventions couvertes par ces annexes sont :
- Production audiovisuelle (IDCC 2642)
- Production cinématographique (IDCC 3097)
- Édition phonographique (IDCC 2770)
- Prestation techniques au service de la création et de l’événement (IDCC 2717)
- Radiodiffusion (IDCC 1922)
- Spectacle vivant privé et spectacle vivant subventionné (IDCC 1285 et 3090)
- Espaces des loisirs, d’attractions et culturels (IDCC 1790)
- Télédiffusion (IDCC 2411)
- Production de films d’animation (IDCC 2412)
La réglementation prévoit que seuls sont comptabilisés les contrats effectués avec des entreprises dont l’objet est de produite ou diffuser des spectacles vivants ou enregistrés.
Comme vous pouvez le constater, celle du portage salarial (IDCC 3219) n’apparaît pas dans cette liste. Pour éviter cet écueil, un certain nombre d’entreprises de portage salarial affirme que pour être « habilitées à facturer le cachet des intermittents du spectacle, et à leur verser des salaires, doivent faire état d’une requalification en « prestataire de services du spectacle vivant » ou d’une licence de spectacle, impliquant une spécialisation de la société de portage à ce domaine, qui se traduit par l’obtention d’un code APE 9001Z ».
Or, l’accord du 28 avril 2016 relatif à l’indemnisation chômage dans les branches du spectacle et de son avenant d’interprétation du 23 mai 2016, a supprimé la référence aux codes NAF/APE pour le remplacer par les numéros d’identifiant des conventions collectives (IDCC) compris dans la liste relative au champ d’application de l’annexe VIII.
Le régime d’intermittent est-il compatible avec le statut de porté ?
En premier lieu, il faut rappeler que « l’entreprise de portage salarial exerce à titre exclusif l’activité de portage salarial »[4]. Dès lors, elle ne peut avoir d’autres activités que celle-ci, notamment celle de productrice de « Spectacle vivant privé et spectacle vivant subventionné », correspondant au code APE 9001Z revendiquée par certaines.
Légalement, les EPS étant les employeurs des salarié.e.s porté.e.s, elles ne peuvent donc pas prétendre entrer dans la champ d’application des dispositions des annexes VIII n’étant pas soumises aux dispositions des conventions collectives expressément listées.
Concernant les artistes, l’article L.7121-3 du Code du travail dispose que tout contrat par lequel une personne s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un artiste du spectacle en vue de sa production, est présumé être un contrat de travail dès lors que cet artiste n’exerce pas l’activité qui fait l’objet de ce contrat dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce. Ainsi c’est l’entreprise organisatrice du spectacle qui bénéficie de la présomption de contrat de travail avec l’artiste. Ce mécanisme rend inopérant le recours à contrat en portage salarial.
Vous allez nous dire : « C’est bien beau tout cela, mais si des EPS le font, c’est qu’elles l’ont droit ! »
Et bien non ! C’est d’ailleurs ce que confirme le tribunal qui a eu à juger le recours d’une EPS à l’encontre de la décision de radiation, par le Pôle Emploi, de son compte employeur du centre de recouvrement « Cinéma Spectacle »[5].
Bien que l’affaire en question remonte au mois de juillet 2015, donc sous l’égide de l’accord national interprofessionnel du 24 juin 2010 relatif au portage salarial, l’élément principal qui constitue la base de cette décision reste applicable encore aujourd’hui : l’exclusivité de l’activité de portage salarial.
Donc un.e intermittent.e du spectacle qui passerait par le portage salarial pour facturer ses prestations, prend le risque de voir ses droits aux allocations chômages spécifiques au spectacle remises en cause et donc perdre sa qualification d’intermittent.e du spectacle et de basculer sur la réglementation du régime général. Celui-ci ayant été considérablement durci par la récente réforme, les intermittent.e.s en question risquent de n’y rien toucher.
Les entreprises de portage salarial qui signent de tels contrats sont dans l’illégalité la plus complète, et mettent en danger les artistes et technicien.ne.s intermittent.e.s du spectacle concerné.e.s !
[1] Annexe VIII : Les ouvriers et techniciens sous contrat de travail à déterminée.
[2] Annexe X : Les artistes sous contrat de travail à durée déterminée.
[3] https://www.pole-emploi.fr/files/live/sites/PE/files/fichiers-en-telechargement/fichiers-en-telechargement—dem/GUIDE%20INTERMITTENT.pdf
[4] Article L.1254-24 du Code du travail.
[5] TGI Paris du 7 mars 2017