Les salariés du notariat plus mal traités que ceux des autres régimes spéciaux
La loi du 9 novembre 2010 sur la réforme des retraites porte progressivement l’âge de la retraite de 60 à 62 ans pour les salariés relevant du régime général et de la Fonction Publique.
Cette loi stipule que le relèvement de l’âge de la retraite pour les régimes spéciaux, à compter du 1er janvier 2017, sera opéré par voie réglementaire (décrets). Ce décalage d’application correspond à l’engagement pris par le gouvernement de ne pas remettre en cause le calendrier de mise en œuvre de la réforme des régimes spéciaux.
Des décrets du 18 mars 2011 ont été publiés pour les salariés de la SNCF, de la RATP et des Industries Électriques et Gazières (EDF-GDF).
Pour la CRPCEN, il s’agit du décret n° 2011-1112 du 16 septembre 2011.
Mais pour les salariés du notariat réunissant 25 années de cotisations à la CRPCEN, la réforme opérée par le décret du 15 février 2008 a été mise en œuvre selon un calendrier qui s’achève au 31 décembre 2017 (pour les salariés nés avant le 1er janvier 1958). Dès lors, pour respecter l’engagement du gouvernement, la réforme n’aurait dû concerner que ceux de ces salariés nés à compter de 1958, et prendre effet à partir de 2018. Or elle Concerne les salariés nés à partir de 1955 et prend effet à partir de 2012.
C’est inadmissible et injuste, et les administrateurs de l’UNION POUR LA CRPCEN, suivis par ceux de FO, ont voté CONTRE le projet de décret du gouvernement.
Et les organisations syndicales CGT, CFDT, CGC et CFTC ont formé un recours devant le Conseil d’Etat contre le décret du 16 septembre 2011.
Les principales dispositions du projet de décret
Le projet contient un certain nombre de dispositions qui sont la conséquence du relèvement progressif de l’âge de la retraite, comme :
- l’aménagement du dispositif des carrières longues (salariés ayant commencé à travailler très jeunes).
- le relèvement de l’âge d’annulation de la décote.
- le relèvement de l’âge d’attribution de la surcote.
- le relèvement de l’âge d’attribution de la majoration de pension pour les assurés bénéficiaires du taux maximal de pension de 75 % et cessant leur activité après 65 ans.
Ce décret contient aussi quelques dispositions de toilettage. Mais ce sont surtout deux mesures qui retiennent l’attention car elles vont avoir un impact fort pour de nombreux salariés sur leurs droits à retraite. Ce sont :
1 – Le relèvement progressif de l’âge de la retraite de 60 à 62 ans.
2 – La suppression, à compter du 1er janvier 2017, de la possibilité de retraite anticipée pour les parents de trois enfants.
1- Le relèvement de l’âge de la retraite de 60 à 62 ans
Pour cette mesure, il faut distinguer entre deux catégories de salariés :
– ceux dont l’âge de la retraite est à 60 ans à la date d’effet de la réforme.
– et ceux dont l’âge de la retraite est avant 60 ans à la date d’effet de la réforme.
1.1 – Salariés dont l’âge de la retraite est à 60 ans
Ce sont les salariés qui ne réunissent pas, au moment de leur départ en retraite, 25 années de cotisations à la CRPCEN ou de périodes assimilées. Pour eux, le relèvement de l’âge se fait à raison de 4 mois par an, à compter du 1er janvier 2017.
L’âge de 62 ans concernera les salariés nés à partir de 1962, et ils ne pourront prendre leur retraite qu’à partir du 1er janvier 2024 (au lieu du 1er janvier 2022 actuellement).
Pour les salariés nés de 1957 à 1961, l’étalement se fera comme suit :
– naissance en 1957 = âge de la retraite à 60 ans et 4 mois, soit retraite au plus tôt le 1er mai 2017 (au lieu du 1er janvier 2017)
– naissance en 1958 = âge de la retraite à 60 ans et 8 mois, soit retraite au plus tôt le 1er septembre 2018 (au lieu du 1er janvier 2018)
– naissance en 1959 = âge de la retraite à 61 ans, soit retraite au plus tôt le 1er janvier 2020 (au lieu du 1er janvier 2019)
– naissance en 1960 = âge de la retraite à 61 ans et 4 mois, soit retraite au plus tôt le 1er mai 2021 (au lieu du 1er janvier 2020)
– naissance en 1961 = âge de la retraite à 61 ans et 8 mois, soit retraite au plus tôt le 1er septembre 2022 (au lieu du 1er janvier 2021).
Les salariés nés avant 1957 ne sont pas concernés par la réforme et continueront de bénéficier de la retraite à 60 ans.Pour les salariés qui ne réunissent pas 25 années de cotisations à la CRPCEN au moment de leur départ en retraite, la loi du 9 novembre 2010 est correctement appliquée
1.2 – Salariés dont l’âge de la retraite est avant 60 ans
Ce sont les salariés qui, au moment de leur départ en retraite, réunissent 25 années de cotisations à la CRPCEN ou de périodes assimilées. Ces salariés bénéficiaient, avant la réforme CRPCEN de 2008, de la retraite à 55 ans qui est progressivement portée à 60 ans. Ils sont donc vraiment concernés par l’engagement du gouvernement de respecter le calendrier de mise en œuvre de la réforme de 2008 qui s’étend jusqu’au 31 décembre 2007.
Si le gouvernement avait respecté son engagement, les salariés nés avant 1958 ne seraient pas concernés par la retraite à 62 ans. Au lieu de cela, dans le décret du 16 septembre 2011 prévoit le passage progressif à 62 ans pour les salariés nés à partir de 1955. Pour mieux prendre conscience de l’impact du non respect de l’engagement gouvernemental, nous comparons ci-après les effets du calendrier gouvernemental avec celui qui aurait dû être adopté pour respecter cet engagement :
Calendrier gouvernemental
– naissance 1er semestre 1955 = âge de la retraite à 57 ans et 3 mois (au lieu de 57 ans), soit retraite au plus tôt le 1er avril 2012 (au lieu du 1er janvier 2012
– naissance au 2ème semestre 1955 = âge de la retraite à 58 ans (au lieu de 57 ans et 6 mois), soit retraite au plus tôt le 1er juillet 2013 (au lieu du 1er janvier 2013
– naissance au 1er semestre 1956 = âge de la retraite à 58 ans et 9 mois (au lieu de 58 ans), soit retraite au plus tôt le 1er octobre 2014 (au lieu du 1er janvier 2014
– naissance au 2ème semestre 1956 = âge de la retraite à 59 ans et 6 mois (au lieu de 58 ans et 6 mois), soit retraite au plus tôt le 1er janvier 2016 (au lieu du 1er janvier 2015
– naissance le 1er semestre 1957 = âge de la retraite à 60 ans et 4 mois (au lieu de 59 ans), soit retraite au plus tôt le 1er mai 2017 (au lieu du 1er janvier 2016
– naissance le 2ème semestre 1957 = âge de la retraite à 60 ans et 4 mois (au lieu de 59 ans et 6 mois), soit retraite au plus tôt le 1er novembre 2017 (au lieu du 1er janvier 2017
– naissance en 1958 = âge de la retraite à 60 ans et 8 mois (au lieu de 60 ans), soit retraite au plus tôt le 1er septembre 2018 (au lieu du 1er janvier 2018)
– naissance en 1959 = âge de la retraite à 61 ans (au lieu de 60 ans), soit retraite au plus tôt le 1erjanvier 2020 (au lieu du 1er janvier 2019)
– naissance en 1960 = âge de la retraite à 61 ans et 4 mois (au lieu de 60 ans), soit retraite au plus tôt le 1er mai 2021 (au lieu du 1er janvier 2020
– naissance en 1961 = âge de la retraite à 61 ans et 8 mois (au lieu de 60 ans), soit retraite au plus tôt le 1er septembre 2022 (au lieu du 1er janvier 2021
– naissance en 1962 = âge de la retraite à 62 ans (au lieu de 60 ans), soit retraite au plus tôt le 1erjanvier 2024 (au lieu du 1er janvier 2022).
Calendrier qui aurait respecté l’engagement du gouvernement
– naissance au 1er semestre 1955 = âge de la retraite à 57 ans (et non 57 ans et 3 mois), soit retraite au plus tôt le 1er janvier 2012 (et non le 1er avril 2012
– naissance au 2ème semestre 1955 = âge de ma retraite à 57 ans et 6 mois (et non 58 ans), soit retraite au plus tôt le 1er janvier 2013 (et non le 1er juillet 2013
– naissance au 1er semestre 1956 = âge de la retraite à 58 ans (et non 58 ans et 9 mois), soit retraite au plus tôt le 1er janvier 2014 (et non le 1er octobre 2014
– naissance au 2ème semestre 1956 = âge de la retraite à 58 ans et 6 mois (et non à 59 ans et 6 mois), soit retraite au plus tôt le 1er janvier 2015 (et non 1er janvier 2016
– naissance au 1er semestre 1957 = âge de la retraite à 59 ans (et non à 60 ans et 4 mois), soit retraite au plus tôt le 1er janvier 2016 (et non le 1er mai 2017
– naissance au 2ème semestre 1957 = âge de la retraite à 59 ans et 6 mois (et non 60 ans et 4 mois), soit retraite au plus tôt le 1er janvier 2017 (et non le 1er novembre 2017)
– naissance en 1958 = âge de la retraite à 60 ans et 4 mois (et non 60 ans et 8 mois), soit retraite au plus tôt le 1er mai 2018 (et non le 1er septembre 2018
– naissance en 1959 = âge de la retraite à 60 ans et 8 mois (et non 61 ans), soit retraite au plus tôt le 1er septembre 2019 (et non le 1er janvier 2020
– naissance en 1960 = âge de la retraite à 61 ans (et non 61 ans et 4 mois), soit retraite au plus tôt le 1er janvier 2021 (et non 1er mai 2021
– naissance en 1961 = âge de la retraite à 61 ans et 4 mois (et non 61 ans et 8 mois), soit retraite au plus tôt le 1er mai 2022 (et non le 1er septembre 2022
– naissance en 1962 = âge de la retraite à 61 ans et 8 mois (et non 62 ans), soit retraite au plus tôt le 1er septembre 2023 (et non le 1er janvier 2024
– naissance en 1963 = âge de la retraite à 62 ans, soit retraite au plus tôt le 1er janvier 2025.
Les salariés du notariat nés à partir de 1955 sont pénalisés. C’est pour eux une « double peine » puisqu’ils ont déjà subi les effets de la réforme de 2008 Ils sont en outre plus mal traités que les salariés des autres régimes spéciaux bénéficiant d’un âge de la retraite avant 60 ans.
Ainsi, pour un salarié de la SNCF bénéficiant (comme antérieurement certains salariés du notariat) de la retraite à 55 ans, la retraite ne va pas passer à 62 ans mais à 57 ans, et les Cheminots nés avant 1962 (contre 1955 pour les salariés du notariat) ne sont pas concernés par la réforme.
Recours devant le Conseil d’Etat
Avant la publication du décret du 16 septembre 2011, les organisations syndicales de l’UNION POUR LA CRPCEN (CGT-CFDT-CGC-CFTC) sont intervenues auprès du gouvernement pour qu’il respecte son engagement d’appliquer le recul de l’âge de la retraite à 62 ans sans remettre en cause le calendrier de la précédente réforme opérée par le décret du 15 février 2008. Elles n’ont pas été entendues.
En outre, lors de la séance du conseil d’administration du 13 décembre 2011, le vote sur la table ronde demandée par l’UNION POUR LA CRPCEN pour une négociation avec le gouvernement a rejeté cette proposition (vote contre des notaires et abstention des administrateurs FO rendant les notaires majoritaires).
En conséquence, dans le cadre de leur mission de défense des intérêts des salariés, les organisations syndicales de l’Union pour la CRPCEN ont décidé de former un recours devant le Conseil d’Etat contre le décret du 16 septembre 2011.
Ce recours a, hélas, été rejeté.
2 – Suppression de la retraite anticipée pour les parents de 3 enfants
Les parents de 3 enfants, ou d’un enfant handicapé, ont actuellement la possibilité de faire valoir leurs droits à retraite
– quel que soit leur âg
– à condition de totaliser au moins 15 ans de cotisations à la CRPCE
– et à condition de cesser leur activité pendant au moins 2 mois à l’occasion de la naissance de chaque enfant.
Le projet de décret met fin à compter du 1er janvier 2017 à cette possibilité de départ anticipé(qui est toutefois maintenue pour les parents d’un enfant handicapé), et, pour les assurés continuant d’en bénéficier, il ouvre le dispositif à ceux qui ont réduit leur activité dans le cadre d’un temps partiel de droit pour élever un enfant.
Ainsi, les assurés qui remplissent avant le 1er janvier 2017 les conditions d’ouverture de droit (15 ans de cotisations, parents de 3 enfants et interruption ou réduction d’activité pour chaque enfant) conservent la possibilité de bénéficier de ce dispositif de départ anticipé, même si leur départ à la retraite intervient au-delà de cette date.
Toutefois, ils se voient appliquer des paramètres de calcul moins avantageux, c’est-à-dire
– la durée d’assurance requise pour le taux maximum et le taux plein applicable l’année de leur 60ème anniversaire.
– un taux de décote de 1,25 % par trimestre manquant, pour les assurés nés à compter du 1er juillet 1959.
La CRPCEN avait obligation d’informer, avant le 1er janvier 2016, les assurés ayant accompli 15 années de cotisations et parents de 3 enfants vivants ou décédés par fait de guerre du changement des règles de départ anticipé à la retraite.
Hors la CRPCEN, ce dispositif n’existait que pour la Fonction Publique pour laquelle il a été supprimé par la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites.
Nous regrettons bien sûr la perte d’un avantage de notre régime spécial, sans toutefois pouvoir dénoncer une discrimination puisque cette mesure a été appliquée aussi à la Fonction Publique.
Lors des élections à la CRPCEN en mai 2011, nous avions d’ailleurs fait part de notre crainte à cet égard.