La société Renault a décidé brutalement fin décembre la suppression de 1800 postes de prestataires sur les établissements d’ingénierie : Guyancourt-Aubevoye (Ingénierie Véhicules), Rueil-Lardy (Ingénierie Mécanique), Villiers Saint Frederic (Ingénierie Véhicules Utilitaires).
Mardi 6 janvier, les organisations syndicales CGT, CFDT, CFTC, SUD du donneur d’ordre et des représentants syndicaux de sociétés de prestation se sont rencontré s au Technocentre de Guyancourt et ont mis en place une coordination intersyndicale et interentreprises.
Il s’agit d’un plan de suppressions d’emplois sans précédent par son ampleur, par la méthode employée, et par sa brutalité :
- par son ampleur : près de 2000 personnes, et un grand nombre de sociétés concernées. Sur le seul Technocentre, les suppressions de postes sur les sociétés les plus importantes (dans l’ordre Polymont, Assystem, Segula, Akka, Altran, Bertrandt, Idestyle, Alten, NSI, Cergi, Ligeron, Consort, Matra automobile) s’élèvent à plus de 1200 personnes.
- par la méthode employée : le recours puis la suppression massive de la prestation permet au donneur d’ordre de supprimer des effectifs en contournant les contraintes du code du travail comme celle du recours de l’intérim, et de reporter les conséquences sociales sur les sous-traitants.
Le reclassement des salariés concernés risque en effet de s’avérer problématique : certaines sociétés travaillent en très grande partie pour l’automobile et particulièrement pour Renault. Des sociétés de prestations sont également touchées par le plan POWER8 dans l’aéronautique, et les spécialisations des métiers de l’automobile sont souvent spécifiques et pointues par rapport à d’autres domaines d’activité. Suite à cette baisse brutale de charge, des CE extraordinaires ont eu lieu ou sont prévus dans les sociétés de prestations, des mesures de chômage partiel ont été annoncées, des salariés en contrat de projet (CDI à durée déterminée) ont été licenciés, d’autres sont en inter-contrat à domicile pour une durée indéterminée. Les risques de suppressions d’emplois dans les semaines qui viennent, voire de dépôt de bilan pour certaines sociétés, sont très importants. - par sa brutalité : quasiment du jour au lendemain, avant Noël, des centaines de personnes ont fait leurs valises, la direction a dévalidé les badges et les téléphones et supprimé les postes du système informatique en quelques jours.
Renault justifie ce plan par la nécessité de « limiter les sorties de cash flow », et de diminuer les dépenses de R&D en pourcentage du Chiffre d’Affaire, CA qui est lui même prévu en baisse.
Des projets ont été reportés ou annulés, pour plus de 1000 « ETP » (équivalent temps plein) rien que dans l’ingénierie véhicules, et la direction générale a décidé d’adapter les ressources à la charge en supprimant la prestation.
Cette décision purement financière, imposée aux directeurs métiers, est une absurdité économique : sans les compétences des sociétés de prestations et de leurs salariés, dont certains travaillent chez Renault depuis 20 ans, l’ingénierie Renault ne peut pas fonctionner. Elle est de fait d’ores et déjà en « chômage technique » : par exemple sur les projets véhicules électriques, priorité de Renault, la CAO câblage et la mise au point physique étant totalement sous-traitées, les compétences n’existant plus en interne, les projets sont de fait arrêtés !
Renault a besoin des salariés prestataires. Les salariés Renault et prestataires organisés en intersyndicale utiliseront pleinement cet atout pour défendre l’emploi des Renault comme des prestataires.
Salariés Renault et prestataires interviendront par l’intermédiaire de leurs fédérations auprès des pouvoirs publics pour que la situation des sociétés de prestations soit prise en compte comme celle des donneurs d’ordres et des équipementiers de la filière automobile.
L’intersyndicale appelle à un Rassemblement pour la défense de l’emploi jeudi 15 janvier à 11h place Georges Besse devant le Technocentre à Guyancourt.
- POLYMONT : dans un premier temps, la direction entend imposer des congés payés et des RTT aux salariés en inter-contrat. Mais elle a aussi demandé l’avis de l’inspection du travail pour recourir au chômage partiel. Plus de 100 salariés seraient concernés. Ceux-ci pourraient donc se retrouver privés d’une partie de leur salaire pendant un mois.
- ASSYSTEM : les salariés se sont vu imposer des congés payés pour 3 semaines. Il n’est pas exclu qu’elle procède à des licenciements au cas par cas, comme cela se passe souvent dans les sociétés de prestation.
- MAGNA STEYR : 68 salariés sont au chômage partiel. Celui-ci pourrait durer 6 semaines. Certains des salariés se retrouvent avec 50% de leur salaire brut ou au SMIC. La direction envisage de créer une banque d’heures que les salariés rempliraient par des « Dons » : 10 jours de RTT, 10 jours de congés payés, baisse de la masse salariale de 1 à 10% !
- ALTEN : la direction exerce des pressions en tout genre pour faire signer des ruptures conventionnelles.
Bien d’autres sociétés de prestations sont elles aussi impactées par le plan de Renault. Mais, le patronat dans son ensemble entend en faire subir les conséquences aux seuls salariés. Il lui serait pourtant possible de préserver les emplois et les salaires en prenant sur les profits qu’il a engrangés ces dernières années.
La société Renault, si elle est la première à recourir au débauchage massif de prestataires, ne restera pas nécessairement la seule. En effet, bien d’autres entreprises utilisatrices, à l’image de Peugeot pour rester dans le secteur de l’automobile pourraient y recourir. Il y a fort à craindre qu’il en soit de même dans l’aéronautique ou le secteur bancaire.
Pourtant, les grands groupes qui font appel aux sociétés de prestation pour développer leurs projets auraient les moyens de préserver les emplois de l’ensemble du personnel : leurs propres salariés ainsi que les prestataires.
Encore une fois, le patronat n’hésite pas à utiliser la crise pour multiplier les mesures antisociales. Si les directions s’accordent à comparer cette crise à celle de 1929, c’est pour mieux mettre en œuvre leur stratégie de « réduction des coûts », synonyme de chômage partiel, licenciements… Les salariés pourraient bien leur rappeler que les années 30 furent aussi celles des congés payés, de la diminution du temps de travail et des augmentations de salaire ! Aussi, la CGT propose d’autres alternatives qui reposent sur les besoins et les aspirations des salariés, ceux-là même qui produisent.
La Fédération CGT des sociétés d’études appelle l’ensemble des salariés du secteur à faire grève et à manifester le 15 janvier, place Georges Besse à Guyancourt à 11h.