Débrayage – bilan et suites
Pendant la première réunion du CE sur le PSE, à la demande des salariés de Saint-Denis, nous avons appelé à un débrayage le 5 octobre à 11 H pour :
- Signifier notre refus de continuer avec cette direction,
- Demander à ce que le groupe rende à Polymont ITS l’argent qu’il lui a pris.
Ce mot d’ordre a été très bien suivi par les salariés présents sur le site de Saint-Denis et par les salariés présents sur le site de Lyon (les deux sites où la CGT dispose d’élus).
S’il est vrai que le timing était serré (décision prise un vendredi midi pour le lundi matin), nous regrettons que le mot d’ordre n’ait pas pu s’étendre aux autres sites. En effet nous savons tous qu’une fois ce PSE terminé, si la direction actuelle est maintenue, la situation empirera dès le départ de l’administrateur pour aller inexorablement vers un nouveau redressement judiciaire ou une liquidation. Nos dirigeants actuels sont, en fait, plus préoccupés de profiter à très court terme de notre société que d’impulser une réelle politique de développement industriel.
Ce débrayage a été un succès puisqu’il a démontré que le rejet de cette direction n’est pas le seul fait des Organisations Syndicales, mais bien de tous les salariés. Néanmoins, cette seule action ne suffira pas à permettre le rejet du plan de continuation de la direction, ni à avoir de réelles mesures d’accompagnement pour les salariés touchés par le PSE.
Avancement de la négociation dans le cadre du PSE
Les nouvelles lois permettent aux directions de « court-circuiter » le CE en négociant en amont (ou en parallèle) avec les Organisations Syndicales (les « OS »). L’administrateur voulant déroger à la loi en appliquant un « PSE par site », il est obligé d’employer cette méthode.
Néanmoins, tout n’est pas obligé de passer par les syndicats. Pour notre part, nous faisons le maximum pour que le CE ne soit pas privé de ses prérogatives. En effet, tout négocier avec les OS aurait plusieurs avantages pour la direction. D’abord, ces réunions ne font pas l’objet de procès-verbaux… les paroles s’envolent, seuls les écrits restent. Ce cadre permet toutes les approximations, et face à une direction dont la loyauté n’est pas la caractéristique principale, ce n’est pas la meilleure des solutions. Ensuite, le CE mène depuis des mois un travail sur la situation économique, qui doit servir de base à l’élaboration d’une solution pour l’entreprise. C’est pourquoi nous avons pesé pour que le calendrier soit modifié : en effet, il prévoyait que la négociation soit menée avant que le CE ait pu bénéficier du retour de son expert et questionné la direction sur ses projets. Un CE était prévu en fin de parcours : le Comité recevait les explications de son expert, donnait son avis en même temps sur le PSE et l’accord majoritaire. Ainsi, à aucun moment les syndicats n’auraient disposé de l’analyse de l’expert et du travail du CE pour alimenter ce qui devenait une parodie de négociation. Nous avons également demandé que le projet d’accord ne constitue pas une sorte de quitus de l’analyse et des « solutions » présentées brièvement dans l’accord (et développées dans la note économique du CE).
De ce fait, la négociation syndicale se concentre sur trois dimensions :
- Les catégories professionnelles,
- Les critères d’évaluation des salariés,
- Les mesures d’accompagnement.
Sur les deux premiers points, la discussion a bien avancé. Le projet initial de la direction présentait un grave inconvénient : il n’était pas légal.
Les catégories étaient tellement fines qu’elles permettaient de cibler très précisément les salariés à licencier. Un passage en revue a été effectué, la notion d’indice Syntec a disparu des définitions. On peut considérer qu’on va vers quelque chose de raisonnable.
Sur les critères, nos remarques ont été formulées, nous sommes revenus à des choses plus raisonnables également.
En ce qui concerne les mesures d’accompagnement, tout reste à faire : le projet est quasiment vide, avec quelques aides minuscules (plafonnées globalement à 2 000 € par salarié – une vraie provocation !), pas de cabinet de reclassement, etc. Des mesures à comparer par exemple aux 10 000 € de budget de formation par personne – avec mutualisation – dans le PSE TSF !
Le sujet des modifications contractuelles n’a pas été vraiment traité. Nous avons demandé un tableau permettant de connaître les impacts des différentes mesures. L’administrateur s’est engagé à nous le communiquer rapidement, mais nous n’avons à ce jour que des informations incomplètes. Nous avons également demandé les règles permettant de déterminer le salaire de référence à partir du taux de facturation moyen, ainsi que les règles d’application de la baisse de salaire (la direction a évoqué un seuil de déclenchement : si vous dépassez de moins de x % le salaire de référence, alors vous ne seriez pas impacté). Dernière information importante : la direction a confirmé qu’un refus de modification du contrat de travail (que ce soit la diminution de salaire, la mutation ou la perte de la voiture de fonction) entraînerait un licenciement économique aux conditions du PSE.
Pour la partie économique et donc la discussion de fond sur la pertinence de la solution de réorganisation (et l’ampleur des licenciements), un CE aura lieu le 22 octobre. Nous devrions donc en savoir un peu plus à ce moment. Mais l’expert n’ayant pas encore reçu les informations qu’il demande, nous ne voyons pas comment cette réunion pourrait utilement se tenir le 22 octobre.
PSE : comment trouver le bon traitement sur la base d’un mauvais diagnostic ?
La direction a remis au CE la note économique censée justifier le PSE. Cette note économique fait tout d’abord un historique et un diagnostic de la situation de la société.
Au niveau de l’historique, la direction prétend que DACP avait ramené Effitic à l’équilibre en 2012… en oubliant de mentionner que l’équilibre n’est obtenu en 2012 que par la reprise de provisions et qu’en 2013 Effitic a perdu au moins 6 M€ (d’après l’expert du CE) !
Le paragraphe expliquant les difficultés rencontrées est truffé d’inexactitudes, parmi lesquelles :
- Le passage sur les défaillances de l’activité cédée par T-Systems relate de nombreux points qui, non seulement ne sont pas nouveaux, mais étaient connus de la direction puisque très largement évoqués, avant la cession, lors des séances du CE T-Systems en présence de M Dermont. Une énormité se glisse d’ailleurs dans cet argumentaire puisque cette note dit que le chiffre d’affaires du périmètre SI T-Systems est divisé par 2 entre 2009 et 2012, passant de 103 M€ à 55 M€. Mais elle omet de mentionner les diverses réorganisations qui ont eu lieu dans l’intervalle. L’effectif de TSF est tombé de 1722 au 31/12/2008 (1819 un an avant) à 991 au 31/12/2012. Or, dans une société informatique, le chiffre d’affaire est directement lié aux nombre de salariés !
- Cette note nous rapporte également que DACP a effectué une mutualisation des frais administratifs et de structure. Quand on sait combien cette mutualisation de frais est facturée par le groupe, qui ne compte que 21 salariés, on peut craindre qu’elle ne soit plutôt l’une des causes des difficultés. En 2014, Polymont IT Services a ainsi versé 200 000 € au groupe ; c’est maintenant 20 000 € par mois, soit + 20 % !, Et nous ignorons pour le moment combien paye Polymont Engineering… A cela s’ajoutent des frais de représentation, mais aussi le paiement du loyer du 5ème étage de la rue du Général Foy !
Cette note nous indique également que Polymont IT Services a été contrainte, à partir de juillet 2014, à décaler le règlement de ses dettes fiscales et sociales (alors qu’au même moment la direction assurait au CE être à jour de ses cotisations sociales). Ce qui tendrait à démonter, en y ajoutant les nombreuses factures fournisseur impayées, que la date réelle de cessation de paiement est bien antérieure au 24 juillet 2015 ! Un point que nous comptons bien éclaircir.
Où sont passés les fonds versés par T-Systems ?
Il y a une grande opacité sur ce sujet :
- Le rapport de l’Administrateur nous retrace l’utilisation de 35,3 M€ sur les 36 M€ versés par T-Systems. Mais si nous prenons en compte qu’au moment de la cession, le passif social de 12 M€ était couvert par de la trésorerie et qu’au moment de la cessation de paiement, le passif social de 25 M€ n’est plus couvert, c’est sur 61 M€ (36 M€ versés par TSF + 25 M€ de passif) que l’utilisation aurait dû être retracée !
- La direction a confié à une experte comptable (Isabelle Dusart) une étude visant à retracer les dépenses affectées à la restructuration de l’activité issue de TSF. Cette experte arrive à la même somme de 35,3 M€. Dans ses hypothèses, toutes les dépenses à partir de janvier 2014 incomberaient à la seule responsabilité du périmètre ex T-Systems… la direction aurait-elle omis de dire à cette experte que Effitic était dans un état désastreux fin 2013 ?
Il nous manque beaucoup d’éléments pour valider l’utilisation de tous les fonds versés par TSF. La direction, en ne répondant ni à notre expert, ni à l’administrateur, en ne disant pas toute la vérité à son expert, incite à s’interroger sur la véritable utilisation de ces fonds.
PSE : Analyse de quelques “solutions” préconisées par la direction
Le rapport économique énonce des contre-vérités. Et c’est à partir de ce genre d’explications que la direction a échafaudé des solutions. La lecture de ces élucubrations laisse plus que perplexe :
- Pour l’activité SAP la direction écrit : “Préalablement à la TUP au 31 décembre 2013, la société Effitic n’avait aucune offre avec des progiciels, la force commerciale de cette société n’était donc pas aguerrie à ce type d’offre progicielle.” Ceci est une façon particulière de raconter l’histoire. Au rachat de l’activité de HP qui devient EFFITIC, il y avait une équipe SAP de 12 personnes à Lyon, équipe que n’a pas su gérer la direction et qui est tombée en 2013 à 4 personnes (dont 2 à 3 en inter-contrat) qui ont travaillé pour Novia en sous-traitance car Novia était en pleine phase de suractivité liée au projet de déploiement SERCEL aux Etats-Unis courant 2013. La direction n’explique pas ce qu’il est advenu des commerciaux spécialisés en SAP issus du SI de T-Systems et transférés avec l’activité. La solution de la direction qui vise à concentrer cette activité sur Lyon est une ineptie. En termes de marché, la région parisienne est beaucoup plus intéressante que Lyon. SAP est un ERP qui équipe principalement les grands groupes présents en majorité en Ile de France. Le déplacement des salariés de Paris à Lyon est économiquement illogique. Appliquer cette solution revient à reproduire la politique menée avec Effitic, et dont le résultat a été de passer d’une activité de 12 à 4 personnes à Lyon.
- Toulouse ne serait pas rentable et devrait donc fermer. Toulouse est dans la même situation que Niort il y a quelques mois, quand nous avons perdu le référencement de la MAIF. A cette époque, arrêter cette activité revenait à licencier les salariés niortais qui étaient protégés par l’accord de méthode TSF. Il fallait donc trouver une solution et maintenant ces salariés sont occupés à 100 %. Ceci démontre que, quand on se donne les moyens, rien n’est inexorable. Ceci démontre également qu’augmenter le coût des licenciements peut avoir une grande vertu : cela oblige les directions à réfléchir avant de choisir la solution la plus simple, souvent la plus inefficace et la plus destructrice : licencier.
- Il faut baisser les salaires (uniquement à Paris et Lyon). Cette mesure, si elle est appliquée, désorganisera bien plus la société que si le PSE n’était pas réalisé par site. En effet, seront touchés les salariés dépassant d’un certain pourcentage (il a été question de 17 %) le salaire calculé en référence. Avec une telle diminution de salaire il est quasi sûr que ça se terminera par un licenciement économique. Outre le fait que des différences de salaires sont logiques avec l’ancienneté ou l’expérience acquise, cela ne semble viser que les salaires les plus élevés sans se soucier de la qualité de service que peuvent rendre ces salariés.
- Il faut supprimer les voitures de service. Ceci a déjà été réalisé de manière très cavalière (un salarié a été contacté directement par la société de location qui lui a expliqué qu’il devait rendre la voiture car la société était en liquidation). Ainsi une voiture de service, dont le coût mensuel était de l’ordre de 400 €a été remplacée par une voiture de location dont le coût mensuel est de l’ordre de 500 €… Bravo l’économie !
- Il faut supprimer les voitures de fonction. Ceci se traduira par une modification de contrat de travail entraînant une perte mensuelle d’avantage de l’ordre de 400 €… Mais qu’adviendra-t-il de la luxueuse Audi A5 Quattro récemment achetée par la société ?
Lettre ouverte de la CFDT à l’Administrateur
La CFDT a envoyé à l’administrateur une lettre ouverte dans laquelle sont exprimées un certain nombre de revendications, parmi lesquelles l’augmentation des moyens mis en oeuvre dans le PSE (mesures d’accompagnement). Il va de soi que la CGT se battra également pour des mesures moins indigentes que les propositions actuelles.
Une demande de protection des salariés de 52 à 59 ans (considérés comme « les plus fragiles ») est également mise en avant : nous discuterons de ce point avec nos collègues pour essayer de déterminer la méthode qui a abouti à cette revendication. En quoi les salariés de 60 ans et plus seraient-ils moins fragiles que les 52 à 59 ans ? Pourquoi pas à partir de 50 ans ?
Mais dans l’immédiat, la formulation de revendications trop précises ne nous semble pas opportune. Pour la CGT, tant que l’expert du CE n’aura pas tous les éléments pour nous restituer un état précis de la situation de Polymont ITS, il ne peut être question de signer quelque accord que ce soit ! En effet sans ces éléments, nous ne pouvons juger de la pertinence des mesures proposées, ni des moyens réels de l’entreprise.
La première partie de la négociation portait sur les catégories, qui en principe doivent être indépendantes du projet de la direction, et sur les critères, dont la logique peut être définie en amont (en gros : protéger les personnes les plus fragiles, valoriser les compétences). Pour le reste, le CE doit faire son travail.
Nous espérons que cet empressement de la CFDT n’est pas le prélude à la signature pour le moins prématurée d’un accord. Nous poursuivrons le débat avec les élus et les autres syndicats pour tenter de définir une position commune, aussi bien au sein du CE qu’au cours des négociations.