Profitant de la torpeur estivale, la ministre du travail, de la santé et des solidarités, a étendu, par arrêté du 10 juillet 2024, publié le 17 juillet 2024, les dispositions de l’avenant n°12 du 20 décembre 2022 relatif à la classification et à la rémunération, conclu dans le cadre de la convention collective nationale de branche des salariés en portage salarial du 22 mars 2017 (IDCC 3219).
Il a été étendu malgré la connaissance, par le ministère, de notre contestation devant le Tribunal Judiciaire de la validité de cet accord. Nous avons donc saisi le Conseil d’État pour demander l’annulation de cet arrêté.
Dans son arrêté d’extension, le Ministère émet une réserve visant au « respect de l’obligation de prendre en compte lors de la négociation sur les classifications l’objectif d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et de mixité des emplois. En cas de constat d’un écart moyen de rémunération la branche devra faire de sa réduction une priorité conformément aux articles L.2241-15 et L.2241-17 du code du travail. »
Une vaste rigolade ! Comment veiller à l’égalité professionnelle alors que cet avenant livre, purement et simplement, les salarié·e·s porté·e·s aux fourches caudines des donneurs d’ordres, avec la faculté (une première !), par accord d’abaisser son niveau de classification et donc de sa rémunération.
Il est intéressant de constater qu’au moment même où nous subissons une flambée des prix accompagnée d’une perte drastique du pouvoir d’achat, certaines organisations syndicales signent un accord qui permet d’abaisser le seuil d’accès au portage salarial (pour le plus grand bien des Entreprises de portage salarial que des salarié·e·s porté·e·s) mais aussi d’abaisser les rémunérations en place en permettant la déclassification des « volontaires » pour rester compétitif face au marché.
Et devinez quelle catégorie sera la plus touchée par ces nouvelles règles en matière de classification ? Les femmes !
En effet, elles sont surreprésentées dans la catégorie, appelée, par Alexis LOUVION, docteur en sociologie, spécialiste du portage salarial, « Les entrepreneurs de la débrouille » dont les caractéristiques sont : Recherche d’une multiplicité de clients, souvent sans succès ; Durée de prestation très courtes (souvent une heure, parfois une journée) ; Métiers à moins forte exigence de certification, au service de particuliers et (parfois) d’entreprises ; Niveau de diplôme variable.
Cet accord loin de veiller au respect de l’égalité salariale entre les femmes et les hommes va accentuer la disparité et renforcer la précarité que subit majoritairement par les femmes.
Nous considérons que cet avenant est néfaste pour l’ensemble des salarié·e·s porté·e·s, mais aussi pour le salariat dans sa globalité car ouverture d’une possibilité d’une révision à la baisse de la classification d’un·e salarié·e sans motif économique ou disciplinaire pourrait donner des idées à d’autres branches. Mais même au-delà cette problématique, se pose aussi celle de la mise en concurrence des travailleurs voulue par le patronat et ce afin d’abaisser le fameux « coût du travail » sans entâcher celui du « capital ».
Il est donc plus que nécessaire pour l’ensemble des travailleurs que cet avenant soit déclaré illicite et son arrêté d’extension soit annulé.
Nous vous tiendrons au courant de la suite de ce dossier qui sera transmis par les tribunaux.