Je ne bénéficie pas d’un régime spécial, le projet de réforme n’aura pas d’impact sur ma retraite…
Tous les salariés sont concernés quel que soit leur régime actuel de retraite donc bien sûr au premier plan les salariés du privé couverts par le régime général. Outre l’allongement de durée de cotisation pour tous, la prise en compte de la moyenne des salaires sur les 43 années d’activité (ou pas) contre les 25 meilleures années aujourd’hui, affaiblira automatiquement le montant des pensions pour tous que l’on soit rattaché à un régime spécial ou pas.
Comme je suis né avant 1975, j’échappe à la réforme…
Le premier Ministre a annoncé qu’il reculait l’année d’application du système… mais pas la baisse des pensions. Dès 2022, au-delà de l’âge légal de 62 ans, l’âge d’équilibre fixé à 64 ans et le malus/bonus lié s’appliqueraient à tous les salariés quelle que soit leur année de naissance. A partir de cette date, tout salarié qui voudra toucher sa retraite pleine et entière, sans décote, devra travailler jusqu’à 64 ans. De plus, la principale motivation du Gouvernement est de bloquer les ressources consacrées aux retraites, soit 14 % de la richesse nationale (PIB). Or, si la part du gâteau reste la même, avec l’augmentation croissante du nombre de retraités, ça fait moins de gâteau par personne. Donc, tout ça ne peut mener qu’à une réduction des pensions individuelles.
Je commence juste à travailler, de toute façon, avec la crise, je n’aurai pas de retraite…
En 1945, lorsque le Ministre du Travail Ambroise Croizat (également secrétaire général de la CGT métallurgie) met en place la sécurité sociale et le système de retraites, « cette loi humaine et de progrès », le pays sort de la guerre détruit et ruiné. Pourtant la retraite est mise en place… Et la crise pétrolière des années 70 n’a pas empêché, ensuite, d’obtenir en 1982 la retraite à 60 ans ! De plus, le PIB (c’est-à-dire le total des richesses produites) est 4 fois plus important en 2018 (2282 milliards d’euros) qu’en 1982 (588 milliards) : le montant de la pension de retraite n’est donc pas une question de moyens mais bien un choix politique !
Je n’ai pas de souci à me faire, avec la règle d’or inscrite dans la loi, la valeur du point ne pourra pas baisser
C’est l’un des plus beaux tours de passe-passe du premier ministre ! Dans son discours prononcé le 11 décembre, il parle de la valeur des points acquis durant la carrière. Or, le montant final des pensions ne dépend pas de celle-ci (qui est la valeur d’achat), mais du taux de rendement du point, c’est-à-dire la valeur de service. Et cette valeur de service sera négociée dans le cadre du vote du budget de l’Etat. Autant dire qu’en période d’austérité budgétaire, les retraites pourraient devenir une variable d’ajustement.
Un système universel, c’est quand même plus juste…
Un euro cotisé donnerait les « mêmes droits pour tous ». Le principe de la réforme par points est donc de bâtir des retraites reflétant les carrières. Aussi, les inégalités de parcours professionnels et de salaires ne sont plus corrigées. Certes, des mécanismes de solidarité seraient prévus pour compenser les périodes de chômage, maladie ou maternité mais leur financement dépendrait du budget de l’Etat et serait donc soumis aux politiques de rigueurs budgétaires. Si le système actuel créé un sentiment d’injustice, il ne reflète pas la réalité. Si les règles de calcul de la pension diffèrent selon le secteur, les niveaux de pensions sont sensiblement égaux pour des salaires et des carrières comparables.
Je suis une femme, j’ai tout à y gagner !
Ce n’est pas sûr ! La prise en compte de toute la carrière au lieu des 25 dernières années, les périodes de temps partiel et d’interruption pour charges familiales se paieront cash. Pour les mères de famille, la validation des périodes d’interruption pour élever des enfants est maintenue mais seulement pour les familles de plus de 3 enfants, et sans préciser le nombre de points qui seraient validés. Les majorations de 8 trimestres par enfant dans le privé pour les femmes et la bonification de 10 % pour les parents de plus de 3 enfants seraient supprimées.
A la place une majoration de 5 % au choix des deux parents pour chaque enfant et une majoration de 2 % supplémentaire pour les parents de plus de 3 enfants. Les projections ont montré que la quasi-totalité des mères y perdraient, y compris celles qui n’ont qu’un ou 2 enfants.
Enfin, les pensions de réversion ne seraient plus accessibles à 55 ans mais seulement à l’âge de départ en retraite (donc pour la majorité 64 ans), et les couples divorcés n’y auraient plus accès (90% de femmes en bénéficient aujourd’hui !).
On a plus les moyens de maintenir le système de retraite par répartition…
Contrairement aux fonds de pensions, le système solidaire par répartition ne peut pas être en faillite grâce à la transmission instantanée des cotisations salariales vers les pensions. Le gouvernement préfère parler de déficit.
Non seulement il existe un fond pour compenser le déficit (d’un montant de 150 milliards d’euros), mais le Conseil d’Orientation des Retraites reconnait que les modalités de calcul de l’estimation du déficit sont discutables. Des économistes progressistes préfèrent parler de pseudo-déficit qui provient essentiellement de la baisse des ressources et principalement les exonérations de cotisations sociales.
D’autres scénarios sont plus optimistes et des mesures pourraient permettre d’augmenter les recettes.