Suspension des processus électoraux en cours dans les entreprises (articles 1, 2 et 4)
Les processus électoraux pour la mise en place des CSE dans les entreprises sont suspendus (article 1).
Cette suspension produit ses effets à compter du 12 mars 2020. Toutefois, si certaines formalités ont déjà été accomplies (saisine de la Direccte en cas de litige sur les établissements distincts, invitation à négocier le PAP …), elles restent valables et la suspension prend effet à la date d’accomplissement de la dernière formalité. Si la suspension intervient entre le 1er le 2nd tour, le premier tour reste valable. Les élections qui se sont déroulées entre le 12 mars et la date de l’ordonnance (2 avril) restent aussi valables.
La suspension concerne aussi bien les délais imposés à l’employeur pour organiser les élections, que ceux dans lesquelles l’administration ou le juge doivent être saisis et doivent répondre.
La suspension prendra fin 3 mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire, c’est-à-dire fin août. Les élections devront donc reprendre ou débuter dans ce délai. Comme pour les autres ordonnances, les mesures dérogatoires se poursuivent donc au-delà d’état d’urgence sanitaire, qui va pourtant déjà au-delà de la période de confinement. Or, passée la période de confinement, rien n’empêche les entreprises de reprendre ou de lancer leurs élections.
L’ordonnance laisse également un délai de 3 mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire pour lancer le processus électoral aux employeurs qui auraient dû organiser des élections avant le début de l’épidémie mais qui ne l’ont pas fait. Cette tolérance offerte aux employeurs fautifs n’est pas tolérable, surtout si, du fait du passage au CSE, la carence de l’employeur a pour effet de priver les salariés de représentants pendant la période actuelle (article 2).
Enfin, l’ordonnance dispense l’employeur d’organiser des élections partielles s’il reste moins de 6 mois entre la fin de la période de suspension (donc fin de l’état d’urgence sanitaire + 3 mois) et le terme des mandats en cours. En principe, les élections partielles sont obligatoires, dès lors qu’un collège n’est plus représenté ou si le nombre de titulaires au CSE est réduit de moitié ou plus, sauf si ces évènements interviennent moins de 6 mois avant la fin du mandat (article 4).
- Prorogation des mandats en cours et du statut protecteur (article 3)
Les mandats des représentants du personnel élus en cours sont prorogés jusqu’à ce que des élections puissent être organisées. Le statut protecteur des élus, titulaires ou suppléants, des représentants syndicaux au CSE et des salariés qui se sont portés candidats aux élections est lui aussi prorogé jusqu’à la tenue des prochaines élections.
Cette prorogation des mandats évite de laisser les salariés sans représentants pendant cette période ou leurs droits et leur santé sont particulièrement menacés. L’ordonnance ne dit rien sur les mandats de délégués syndicaux, mais il faut selon nous considérer qu’ils sont prorogés au même titre que les élus du CSE.
- Fonctionnement des IRP : dématérialisation des réunions (article 6)
En principe, sauf accord, le recours à la visioconférence est limité à 3 réunions par an. Par dérogation, l’ordonnance prévoit que l’ensemble des réunions convoquées pendant la période d’urgence sanitaire pourra se tenir en visioconférence ou conférence téléphonique.
Si la visioconférence ou les conférences téléphoniques ne sont pas possibles, ou qu’un accord l’autorise, l’employeur pourra recourir à la messagerie instantanée pour organiser les réunions !
Un décret fixera les conditions dans lesquelles les réunions en conférence téléphonique ou via messagerie instantanée pourront se dérouler. Il n’est donc pas encore possible d’y recourir. En revanche, les réunions peuvent se tenir dès à présent en visioconférence.
Nous sommes en principe opposés à la tenue de réunion par visioconférence, mais nous comprenons son utilité compte tenu des recommandations sanitaires actuelles. Elle permet de maintenir le rôle du CSE ou du CSEC, tout en préservant la santé des salariés. Si la visioconférence est possible, les conférences téléphoniques ne devraient pas être autorisées, car elles rendent encore plus difficile les échanges et ne garantissent pas l’identité des interlocuteurs. Pour ce qui est des messageries instantanées, il n’est pas possible de considérer que c’est un moyen de suppléer une réunion d’instance.
L’ordonnance ne limite pas l’utilisation de ces modes de réunion dégradés aux consultations rendues absolument nécessaires en la période (comme la mise en place de l’activité partielle). Cela signifie que l’employeur pourrait y recourir pour n’importe quel sujet d’information/consultation.
Une fois encore, cette dérogation s’étend au-delà de la seule période de confinement, ce qui n’est pas acceptable.
- Adaptation des règles d’information / consultation du CSE sur la mise en œuvre des dérogations prévues par l’ordonnance sur le temps de travail et les repos.
Une ordonnance du 25 mars a organisé de nombreuses dérogations en matière de temps de travail et de prise des jours de repos. En principe, le CSE aurait dû être consulté avant la mise en œuvre de ces dérogations. L’ordonnance analysée ici explique que, pour que ces dérogations puissent être mises en œuvre le plus vite possible, les règles de consultation du CSE sont aménagées.
Elle prévoit que le CSE doit être informé sans délai et par tout moyen du recours à ces dérogations, qu’il devra rendre son avis dans le délai d’un mois, mais que l’employeur pourra mettre en œuvre les dérogations avant que le CSE a rendu son avis. Cela prive donc totalement d’effet la consultation du CSE.
A noter que l’information / consultation du CSE ne s’impose pas en cas de signature d’un accord autorisant l’employeur à imposer ou modifier les dates de congés payés, car le CSE n’a plus à être consulté sur la signature d’un accord. Cela ne concerne donc que la possibilité d’imposer ou de modifier les dates de certains jours de repos (jours de RTT, jours du compte épargne temps, jours de repos liés à l’annualisation du temps de travail et au forfait en jours), les dérogations aux règles sur la durée du travail et le travail du dimanche. Sans surprise, rien n’est prévu pour renforcer le rôle et les capacités d’intervention du CSE, notamment en matière de santé et de sécurité, dans une période où les salariés ont plus que jamais besoin d’interventions collectives face aux attaques des employeurs !