A RETENIR :
- Les réserves du système de retraites s’élèvent à 150 milliards d’euros en 2019 ; il n’y a aucun impératif budgétaire à court-terme.
- Le déficit affiché ne provient que la CADES (caisse d’amortissement de la dette sociale), c’est-à-dire la « dette sociale » héritée de la crise de 2008 ; rien à voir donc avec le système de retraites.
- Cette dette sera amortie en 2024, dégageant des ressources supplémentaires pour la retraite et la sécu plus largement.
- Il en découle que l’argument budgétaire pour la réforme des retraites est sinon mensonger, au moins fallacieux.
Il y a quelques jours, Gilles Raveaud, un économiste de l’Université de Paris 8, soulignait que l’équilibre des retraites n’était pas menacé, car il existerait une manne de 150 Mds€ pour la retraite Cela mérite examen, au moment où nombreux sont ceux qui plaident pour un recul de l’âge de la retraite pour ramener le système à l’équilibre.
Situation patrimoniale nette du système de retraite
Système de retraite | En milliards d’euros | En part de PiB |
---|---|---|
Régimes de base et régimes intégrés |
10,8
|
0,5%
|
Régimes complémentaires |
126,1
|
5,5%
|
Réserves des régimes de retraite |
136,9
|
6,0%
|
Réserves du FFR |
34,4
|
1,6%
|
Dette de la CADES imputée au système de retraite |
-45,9
|
-2,0%
|
Situation patrimoniale nette du système de retraite |
127,4
|
5,6%
|
Dans son rapport de novembre dernier, le COR présente le tableau ci-dessus, qui figurait déjà dans son rapport annuel 2019 publié en juin. Il s’agit en quelque sorte d’un bilan du système de retraite au 31 décembre 2018, comparable au bilan publié par les entreprises dans leur rapport annuel.
Si on n’atteint pas 150 Mds€, on voit que la situation patrimoniale nette du système de retraite est largement positive, représentant 5,6% du PIB.
Trois postes retiennent particulièrement l’attention :
- Les réserves des régimes de retraite ;
- Le fonds de réserve des retraites ;
- La dette de la CADES attribuée au régime de retraite.
Dans son rapport annuel 2019, le COR donnait à la même date le montant total des réserves du système de retraites.
Il nous a paru intéressant de reprendre ces données, en distinguant les réserves des régimes de salariés et de non-salariés, et en mettant à part les sommes accumulées par le Fonds de réserve des retraites et les actifs du régime additionnel de la Fonction publique.
En effet, les règles de gestion des régimes de salariés et de non-salariés diffèrent profondément, les retraites complémentaires des régimes de non-salariés en particulier (ex-RSI, professions libérales et avocats reposant largement sur la capitalisation, ce qui n’est pas le cas des régimes de salariés (si on excepte la question de l’ERAFP qui est un régime fonctionnant intégralement en capitalisation).
Par ailleurs, la CGT n’est pas en faveur d’un pot commun dans lequel on mettrait les réserves de l’ensemble des régimes. Il est donc souhaitable de distinguer ce qui relève des régimes de salariés et ce qui relève des régimes de non-salariés.
Réserves financières du système de retraite
Régimes de salariés (y compris fonctionnaires) ARRCO-AGIRC IRCANTEC CNRACL CRPCEN Banque de France Aviation civile |
70,8
8,5 2,2 0,5 5,7 3,8 |
Total réserves salariés |
91,5
|
FRR ERAFP FRR+ERAFP |
36,4
23,7 60,1 |
Total salariés |
151,6
|
Non-salariés CNAVPL répartition CNAVPL complémentaire Total CNAVPL CNBF répartition CNBF complémentaire Total CNBF Ex RSI MSA complémentaire |
1,7
24,3 26,0 0,6 24,3 24,9 17,4 0,1 |
Total non-salariés |
68,4
|
Total système de retraites |
220,0
|
En milliards d’Euros – source rapport annuel 2019 du COR
Il s’agit du total des réserves brutes de l’ensemble du système de retraite.
On voit donc que le montant e ces réserves est considérable, et que le montant total des réserves imputables aux régimes de salariés excède largement celui des régimes de non-salariés.
Par rapport à la situation patrimoniale du système de retraites, (1er tableau), la différence tient notamment à l’imputation de la part de la dette de la branche retraites à l’égard la CADES, évaluée par le COR à 45 Mds€, et les engagements de l’ERAFP à l’égard de ses cotisants (22,4 Mds€).
Le montant de dette affiché est totalement conventionnel. Il correspond à la part de la CNAV dans les dettes qui ont été transférés au cours du temps à la CADES, et dont le montant total était de 97,6 Mds€ au 30 juin 2019.
Cette dette sera totalement amortie en 2024, ce qui libère potentiellement 15 Mds€ par an de recettes (CSG et CRDS).
Il faut toutefois y apporter un bémol : comme une partie de la dette de la Sécu est portée par l’ACOSS et que les déficits, même s’ils sont modérés, n’ont pas disparu, il reste une dette à amortir : l’ACOSS estime cette dette à environ 25 Mds€ au 31 décembre 2020.
Il reste qu’il n’est pas inutile, sans prendre en compte les réserves des régimes de non-salariés, de comparer les montants des réserves relevant des régimes de salariés (plus de 150 Mds€ fin 2017 y compris actifs du FRR et de l’ERAFP) aux déficits prévisionnels extrêmement modestes de la CNAV (qui incluent le déficit récurrent du fonds de solidarité vieillesse et les transferts de compensation de la CNAV vers les régimes de non-salariés) et des retraites complémentaires : -4,3 Mds€ en 2018 (0,1 point de PIB) ; entre 6Mds€ et 6,5 Mds€ en 2025 selon les hypothèses de croissance retenues (0,2 point de PIB) ; entre 8,5 Mds€ et 12,5 Mds€ en 2030 (0,3/0,4 point de PIB).
Quant au déficit global du système de retraite, il n’a aucun sens économique, résultant seulement de la manière dont on prend en compte les retraites des fonctionnaires de l’Etat.