Depuis maintenant plus de 10 ans, un panel d’économistes s’exprime sur l’opportunité de donner un « coup de pouce » au Smic. Une fois n’est pas coutume, ce groupe « d’experts » s’est prononcé contre le coup de pouce, comme toujours depuis sa création.
Un groupe d’experts vraiment neutre ?
Il faut dire que la composition de ce groupe d’experts laisse à désirer… A titre d’exemple, on y trouve depuis 2017, l’économiste André Zylberberg qui compare les économistes en désaccord avec lui de « négationnistes économique », un homme qui a le sens de la mesure. Dans ce livre publié en 2016, il avait d’ailleurs déjà critiqué le niveau du Smic en France. Ce panel d’économistes sert donc à avaliser les décisions du gouvernement de ne pas augmenter le smic et leur donne une caution scientifique mais le parti pris est assez simple à deviner.
Non, le Smic n’est pas un frein à notre compétitivité
Selon les auteurs de ce rapport, le Smic nuit à la compétitivité des entreprises françaises et à l’emploi des moins qualifiés. Concrètement, si ces derniers n’acceptent pas la sur-exploitation personne ne les embauchera selon ce rapport. Un des arguments étant qu’avec un « coût du travail » élevé l’arbitrage entre embauches de personnel et mécanisation-robotisation tourne plus souvent à l’avantage des machines. L’autre argument concerne la compétitivité française, autrement dit le salaire minimum français est trop élevé par rapport à ses voisins. Cela est sans compter la productivité des français, ce qui compte pour une entreprise ce n’est pas combien un salarié lui coûte mais combien il lui rapporte par rapport au coût et étant donné la très grande productivité en France, ce ratio n’est pas plus élevé qu’ailleurs !
De plus, cette vision en termes de coûts est trop simpliste à notre sens et omet l’effet positif d’une hausse de salaire sur l’économie. Pour rappel, en 2018, les dépenses de consommation des ménages représentaient près de 52% du PIB. La consommation est le moteur de la croissance. Sans surprise, ce sont les plus pauvres qui consomment la plus grande partie de leur revenu. Ainsi, les 20% de ménages les plus pauvres consomment 93% de leur revenu tandis que les 20% les plus riches en épargnent 28%. D’un point de vue de l’efficacité économique on voit bien que l’augmentation des bas salaires est un facteur de stimulation important de l’économie. Augmenter le SMIC, c’est augmenter immédiatement la consommation des ménages et donc la demande adressée aux entreprises.
La prime d’activité n’a pas vocation à se substituer au salaire
« Smicards, arrêtez de vous plaindre, c’est pire ailleurs », c’est en somme ce que dit le rapport ! Selon le rapport, les salariés payés au salaire minimum sont les mieux payés de pays de l’OCDE [Groupe de 36 pays, essentiellement des économies développées]… en prenant en compte les prestations sociales comme la prime d’activité. Ce n’est pas acceptable, les prestations sociales n’ont pas vocation à remplacer le salaire ! Aucun droits sociaux ne sont acquis sur cette fraction du revenu. De plus, ce n’est pas au contribuable de payer une partie du salaire des travailleurs alors que ce sont les employeurs qui en tirent profit.
Nous annoncions ce risque de substitution entre prime d’activité et salaire depuis des mois, ces experts nous donnent raison sans aucune réserve.
Une nouvelle attaque à l’indépendance des femmes
Cette substitution est dangereuse pour les femmes puisqu’elle peut aggraver la dépendance au conjoint dans le cadre d’un couple hétérosexuel. En effet, le salaire est individuel, une femme au Smic profiterait donc d’une augmentation du salaire minimum et acquerrait des droits dessus. Au contraire, avec la prime d’activité, si le conjoint à un salaire un peu plus élevé (ce qui est souvent le cas du fait des inégalités salariales F/H), la femme ne reçoit pas de prime d’activité puisque cette prestation est calculée sur les ressources du couple. C’est totalement inacceptable.
Peu importe la configuration du couple, s’il y a un écart de salaire entre les deux conjoint-e-s, le plus bas salaire est une nouvelle fois fragilisé et dépendant.
En somme, ce rapport qui doit éclairer les négociations se tenant lors de la prochaine réunion du CNNC est un blanc-seing délivré par des économistes libéraux. Les hypothèses retenues obéissant à l’idéologie libérale, il est tout à fait logique que les conclusions y obéissent aussi. Cette justification de la non-augmentation du Smic suite à la revalorisation de la prime d’activité est un aveu du transfert des charges salariales du patronat vers le contribuable. Nous ne pouvons pas nous y résoudre. L’augmentation du Smic à hauteur de 1800€ bruts est fondamentale, aussi bien pour les salariés que pour l’ensemble de l’économie.