La feuille de route remise lors de la réunion de la commission paritaire de négociation de branche place « l’accord cadre » sous l’égide de la « responsabilité sociale, économique et environnementale ». Elle articule trois axes et une méthodologie. Si cette « feuille de route » clarifie un certain nombre de positions, il reste que, malheureusement, nous sommes loin de ce que nous attendons de la négociation dans cette branche. Il y a même quelques thèmes que nous jugeons dangereux et sur lesquels nous nous opposons avec vigueur, à savoir :
Sur le préambule/objectifs
L’inscription de la démarche est bien loin de nous convenir. En effet, la « responsabilité sociale » nous pose problème. Il semble que cette notion apparaisse pour tenter de donner un « caractère social » aux négociations prévues. Mais quelle définition en donner ? Comment appréhender cette notion ? Ne mériterait-elle pas un débat plutôt que d’en faire un élément d’une démarche ne serait-ce que pour éviter de se fourvoyer.
En ce qui nous concerne, l’articulation performance économique/performance sociale (et/ou sociétale) se heurte à ce qui constitue l’essence même du système productif actuel, à savoir la recherche du profit à n’importe quel prix dans des conditions particulières, socialement et historiquement déterminées. Monsieur Milton FRIEDMAN, chantre du néolibéralisme, ne déclarait-il pas que la seule responsabilité sociale de l’entreprise est la recherche du profit ? Les déclarations et orientations du MEDEF, la politique de l’offre suivie par les gouvernements successifs qui se concrétisent, par une avalanche de lois de régressions sociales, lui donnent raison.
Nous pourrions ajouter les considérations sur les licenciements, la flexibilité, la précarité … sans oublier les pratiques des entreprises dans les pays dits « sous-développés ».
Il ne faut donc pas compter sur nous pour partager cette notion.
Axe 1 : Mobiliser les outils de la branche au service de l’emploi
Le préambule de cet axe est assez ambigu. Il laisse entendre que la branche n’aurait plus son rôle de régulateur. Il faudrait quelques clarifications. Concernant les « actions et moyens mobilisables », il nous est proposé des « partenariats ». Cela peut être intéressant pour autant que l’on débatte de l’objet et du cadrage.
Il en est tout autrement de la question de la diversité. N’étant pas signataire de l’accord sur le « pacte social pour la compétitivité », nous ne sommes aucunement engagés par ses conséquences.
Mais la diversité reste une réelle question … pour autant qu’elle soit appréhendée d’une manière cohérente et globale. Il ne semble pas que ce soit le cas. Ce concept importé des Etats-Unis traite des discriminations ethniques puis culturelles et enfin sexuelles. L’ANI sur la diversité d’octobre 2006 n’a d’autre objet que d’inciter les entreprises à négocier sur le sujet. Pourtant, tel ne fut pas le cas puisque la quasi-totalité des accords d’entreprise n’aborde que les thèmes ayant un ancrage juridique [Dares – 2014].
Nous pensons que la branche devrait promouvoir une politique de la diversité en articulant toutes les questions liées à la discrimination, que ce soit les origines ou le handicap, les jeunes et les seniors … y compris en y intégrant l’accord déjà signé sur l’égalité femme-homme.
Nous estimons que cela aurait du sens.
Pour autant, il n’est pas question pour nous d’ouvrir de quelconques négociations sur le CDI mission. Mettre cette question à l’ordre du jour est une véritable provocation. Rappelons que ce n’est pas la première fois que le patronat tente de transformer les ESN en entreprises temporaires … à haute valeur ajoutée (!!!). Après le CDI de mission dans l’ingénierie, certains entendaient l’étendre aux SSII en 2003. C’est ce que l’on trouvait dans un document SYNTEC de 22 pages. La riposte des salarié-e-s ne s’était pas fait attendre. A l’initiative de la CGT, une pétition de plus de 30 000 salarié-e-s en quelques jours, a contraint SYNTEC a abandonné le projet. Chacune et chacun comprendra que nous ne laisserons pas faire. Et plutôt que de fabriquer des « intermittents » du numérique, pourquoi ne pas travailler du « déroulement de carrière » dans nos professions ?
Axe 2 : Sécuriser les entreprises au regard des textes de la branche
Cet axe compte cinq pans d’importance inégale
- La sécurisation des entreprises au regard de la modalité 2 – les forfaits horaires hebdomadaires pour les cadres. L’objectif est d’abroger la condition d’éligibilité et du maintien du PMSS. En même temps, il est prévu de retravailler la modalité 3 – le forfait jour pour les cadres.
De quoi s’agit-il exactement ? Concernant le forfait horaire hebdomadaire, le but poursuivi est simplement de baisser le coût de ce type de forfait au détriment des salarié-e-s. Comment une organisation syndicale de salarié-e-s pourrait-elle accepter de revoir à la baisse la « rémunération » de ce type de forfait sans subir les foudres des salarié-e-s dans les entreprises ?
Mais il faut reconnaître qu’en engageant cette négociation, et quoiqu’en disent les uns et les autres, on nous donne raison, s’il en était encore besoin, dans ce que nous défendons sur ce lien PMSS-forfait horaire hebdomadaire.
Quant aux forfaits jours, il n’y a pas si longtemps, un avenant a été signé. Il s’agissait sous couvert de sécurisation de permettre aux entreprises de déroger au moins-disant à l’accord de branche. D’une certaine façon, vous avez réussi à revenir sur l’accord de 2000. L’objectif est certainement de pouvoir l’étendre, par accord de branche à d’autres catégories de cadre.
Non signataire de l’accord sur le temps de travail, nous resterons vigilants sur l’application des législations en la matière. - Asseoir la revalorisation des minima conventionnels sur une période de trois ans ne résout en rien le problème relatif à la négociation de ces minima. Nous estimons que cette construction ne vise, en réalité, qu’à masquer, encore une fois, soit l’absence de volonté politique de mise en oeuvre d’une véritable politique salariale de branche, soit tout simplement une logique néolibérale.
Nous estimons que la question salariale passe par une négociation d’une grille de classification qui prenne en compte les emplois repères et par la mise en place de grille filière par grand secteur d’activité. Le tout articulé à de vrais salaires minima. - La CGT est opposée à la mise en place d’une instance de médiation. S’agit-il par ce biais de permettre à quelques personnes de se trouver un nouveau « job » ? En ce qui nous concerne, nous estimons que l’organisation syndicale est tout à fait capable de régler, d’une manière ou d’une autre, les problèmes sociaux. C’est, nous semble-t-il, une de ses fonctions.
Nous nous y opposerons donc avec détermination. - L’organisation d’un séminaire de branche peut être intéressante à condition qu’elle ne se borne pas aux trois items mentionnés. En effet, tout tourne autour des accords signés. Il faudrait pourtant élargir le champ à l’ensemble des problèmes que peuvent connaître les processus de négociation. Pourquoi tel accord n’a pas vu le jour ? Pourquoi tel blocage ? …
- Enfin, concernant l’ADESATT, nous avons dit que sur le principe, nous étions d’accord pour examiner l’articulation AGFPN et ADESATT, y compris en intégrant la question de la répartition du financement du paritarisme. La valorisation des études appartient à chaque organisation syndicale. Sur la médiation, il n’est pas question pour nous de l’intégrer. Pour les guides, seulement s’il y a une réelle valeur ajoutée. Faire un guide sur une loi ne sert à rien. Chaque organisation le fait déjà. Non seulement inutile mais sujet à caution … nombre d’articles sont souvent interprétables ou laissent un certain flou. C’est aux organisations de s’en saisir …
Axe 3 : Adapter les instances paritaires de la branche aux nouvelles exigences légales
C’est en général ce que nous faisons à chaque nouvelle loi ou accords nationaux interprofessionnels.
La méthodologie
Trois mois pour négocier un accord cadre déclinant la feuille de route n’est pas irréaliste … reste que la feuille de route en l’état, pose problème.
Quant aux trois avenants, nous avons ci-dessus donné notre appréciation. Il en est de même concernant la diversité/handicap. Nous n’y reviendrons pas.
Enfin, les sujets astreintes-travail de nuit qui font leur réapparition posent la question du processus même de négociation. Plusieurs mois sur ces sujets sans que l’on ait avancé devraient nous semble-t-il, interroger.