Pour faire faire à la crise sanitaire actuelle, le gouvernement n’a de cesse d’insister sur l’importance de la solidarité et d’appeler chacun, au nom de la responsabilité collective, à participer à « l’effort de guerre ». Si les actionnaires sont visiblement exonérés du moindre effort puisque le versement de leurs dividendes n’est pas réellement remis en cause, les salariés sont, comme toujours, largement mis à contribution.
Le gouvernement a en effet instauré de très nombreuses dérogations au droit du travail, et en particulier en matière de durée de travail et de repos. La plupart de ces dérogations peuvent être mises en oeuvre unilatéralement par l’employeur. C’est le cas notamment de la possibilité qui lui est réservée d’imposer aux salariés la prise de jours de repos ou de modifier leurs dates (RTT, compte épargne temps, annualisation du temps de travail, forfaits jours), dans la limite de 10 jours maximum.
S’agissant de la possibilité d’imposer la prise ou de modifier les dates de congés payés, dans la limite de 6 jours, elle doit être prévue par un accord d’entreprise ou de branche pour pouvoir être utilisée par l’employeur.
Le patronat a évidemment sauté sur l’occasion, et les accords relatifs à la prise de congé pendant l’épidémie se multiplient dans les entreprises et dans les branches.
Comme nous le craignons, la lecture des premiers accords que nous avons pu analyser confirme que les reculs importants des droits des salariés ne sont accompagnés que de contreparties très faibles, quand il en existe.
Congés payés : La plupart des accords offrent la possibilité aux employeurs d’imposer le nombre maximal de jours de congés aux salariés, à savoir 6 jours, avec des garde-fous très limitées, souvent une augmentation de quelques jours du délai de prévenance. Les accords ne donnent généralement aucune garantie aux salariés sur le fait qu’ils pourront prendre leurs congés en même temps que leur conjoint s’il travaille dans la même entreprise.
Les accords abordent parfois la question de la prise des autres jours de repos (RTT, CET etc.) qui peut être imposée sans accord, pour apporter quelques garanties quant au nombre ou au délai de prévenance. Pour rappel, même si ce point n’est pas traité dans l’accord, l’employeur peut imposer la prise de 10 jours de repos en respectant un délai de prévenance d’un seul jour, et ce, jusqu’au 31 décembre 2020.
Activité partielle : des avancées sur l’indemnisation des salariés en activité partielle auraient pu être des contreparties au recul des droits des salariés en matière de congés payés et de repos. Pourtant, aucune mesure contraignante n’a été prise dans les accords de branche que nous avons vu pour imposer aux entreprises, ou au moins à certaines entreprises de la branche, le maintien à 100% de la rémunération des salariés en activité partielle. Par exemple, dans une branche professionnelle, l’accord signé incite seulement les entreprises à limiter l’impact négatif du recours à l’activité partielle en adaptant ses conditions d’indemnisation compte tenu de leurs possibilités économiques et financières.
Au niveau des entreprises, nous constatons que lorsque le maintien de 100% de la rémunération des salariés en activité partielle est prévu par accord, il est parfois financé par les salariés eux-mêmes, par le placement, volontaire ou non, de jours de congés sur un fonds dédié. Cette perte de congés payés s’additionne alors aux jours de repos et congés pouvant être imposés. L’abondement de l’employeur à ce fonds étant assez limité. Ce sont donc les salariés eux-mêmes qui se paient leur maintien de rémunération. Exemple, dans une entreprise, l’accord prévoit bien un maintien de rémunération en activité partielle, mais il est limité à 10 jours. Au-delà, les salariés ne seront indemnisés qu’à hauteur de 84% de leur rémunération nette.
Durée des accords : les ordonnances prévoyaient que les dérogations au code du travail pouvaient être mises en oeuvre jusqu’au 31 décembre 2020. Si les accords prévoient des durées plus restreintes, elles vont quand même au-delà de la période de confinement et au-delà de la période d’état d’urgence sanitaire. Par exemple, l’accord signé dans la branche du sport sera applicable jusqu’au 31 août 2020, et celui signé dans une autre entreprise jusqu’au 31 octobre 2020 !