Nous, organisations syndicales du ministère du Travail, assistons depuis le début de la crise liée à la pandémie du Covid 19 à une grave désorganisation et un dévoiement des missions de ce dernier.
Désorganisation tout d’abord avec une absence de moyens permettant de répondre aux missions essentielles en cette période de crise : l’information des salarié-es et des entreprises, la protection des salariées, le recours à l’activité partielle. En effet, faute de moyens informatiques suffisants, d’organisation anticipée et dans un contexte permanent de baisse d’effectif, les services du ministère se retrouvent avec peu de moyens techniques et matériels pour répondre aux demandes et inquiétudes des usagers. Le service de l’activité partielle est submergé et les agent-es tentent de s’organiser comme ils le peuvent.
Cette situation résulte d’une impréparation du ministère du Travail dans lequel aucun plan de continuité d’activité n’a été anticipé (un comble alors que c’est ce même ministère qui est censé rappeler aux entreprises leur obligation en la matière) mais où, de surcroît, cette organisation a été laissée à la main des régions engendrant une mosaïque de gestions différentes selon les départements voire les services sans coordination et sans ligne directrice.
Cette crise met à jour de manière encore plus criante les effets de baisse continue des effectifs dans tous les services depuis une dizaine d’années : malgré la bonne volonté des agent-es, nous n’avons plus les moyens d’assurer notre mission de service public.
Dévoiement des missions ensuite avec une information partielle voire partiale de la ministre et du directeur général du travail.
Le « question-réponse » à destination des usager-es est clairement orienté : la direction générale du travail se permet d’estimer à la place des salarié-es et des juges dans quels cas il ne peut y avoir l’exercice du droit de retrait …tout en omettant de préciser dans quelles circonstances celui-ci pourrait se voir appliquer (absence de mesures de distanciation sociale par exemple).
La ministre préfère admonester les entrepreneurs du bâtiment et faire du chantage à l’activité partielle plutôt que d’organiser le rappel de la réglementation prévue par le code du travail. Pire, elle laisse entendre dans son communiqué en date du 21 mars 2020 à l’attention du secteur du bâtiment que l’employeur n’aurait qu’une obligation de moyen (« faire ce qu’il peut » dans le langage commun) alors qu’il a une obligation de moyen renforcée (c’est-à-dire mettre tout en œuvre pour assurer la sécurité physique et mentale des salariées) !!! Cette position est totalement contraire à la jurisprudence, mais qu’importe pour la ministre puisque son seul objectif est de permettre la continuité de l’activité économique coûte que coûte, fusse au détriment de la santé des salarié-es.
Enfin, malgré ces obstacles, lorsque les agent-es, les organisations syndicales essaient de suppléer aux défaillances d’organisation du ministère en partageant des « courriers types » pouvant inspirer les collègues dans leurs réponses aux usagers, notre ministère répond par la menace de poursuite pénale pour « contrefaçons de documents administratifs » !!!
Nous le disons avec gravité : l’attitude du ministère est choquante et déshonorante pour nos missions. Alors que les rappels à l’ordre des citoyen-nes sur l’obligation de respecter les mesures strictes du confinement conduisent actuellement à prononcer des garde-à-vue, le ministère du travail incite les entreprises à reprendre leur activité, en prétendant que le simple respect des mesures barrières est de nature à limiter la propagation du virus et protéger les salarié-es.
Cette position est condamnable et dangereuse. Dans certains secteurs d’activité (comme les gros chantiers de BTP ou les entrepôts de logistique, la grande distribution,…) la concentration des salarié-es sur les lieux de travail rend les mesures de distanciation quasiment impossibles à respecter. Dès lors le principe de préservation de la santé des travailleur-euses face à ce risque biologique nouveau doit prévaloir : si l’activité est essentielle elle doit être réorganisée en sécurité, en assumant une chute de productivité.
Afin de rendre le service public que nous devons aux usagers, assurer la sécurité des travailleur-euses, nous exigeons instamment :
l’arrêt des activités non essentielles des entreprises, seul rempart efficace contre la pandémie et/ou leur reconversion vers la satisfaction des besoins vitaux
des consignes nationales claires pour un traitement à distance de l’ensemble des missions dont la poursuite est nécessaire durant la période de confinement, sans contrainte de se rendre dans les locaux
les moyens techniques et humains permettant de répondre aux usager-es et de traiter les demandes d’activité partielle et de renseignements
les moyens de contrôler en sécurité avec les équipements de protection individuelle adaptés les activités jugées essentielles afin de s’assurer que les travailleur-euses, quels qu’ils soient, sont en sécurité.
Paris, le 25 mars 2020.