Le point de contact national français auprès de l’OCDE demande à Teleperformance de « renforcer son devoir de diligence et son engagement avec les parties prenantes » afin de veiller au respect des droits humains et de la sécurité des travailleurs.
- Le gouvernement français émet des recommandations en réponse aux allégations de violation par Teleperformance du droit des travailleurs à la sécurité au travail pendant la pandémie
- Les travailleurs de Teleperformance – en Colombie, en Albanie, aux Philippines et ailleurs – assurent le service clientèle d’Apple, d’Amazon et d’autres grandes entreprises technologiques
PARIS et NYON, Suisse, le 02 août 2021— Le Point de contact national (PCN) français auprès de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a publié un ensemble de recommandations fermes à l’intention du géant des centres d’appel Teleperformance, qui a son siège à Paris, afin de corriger les manquements aux protocoles de santé et de sécurité des travailleurs et au droit à la liberté syndicale dans l’ensemble des activités mondiales de l’entreprise.
L’une des recommandations importantes est que l’entreprise devrait « renforcer son devoir de diligence et son engagement avec les parties prenantes représentant les travailleurs afin de veiller au respect du droit d’association et de négociation collective des travailleurs tel que prévu par les Principes directeurs de l’OCDE. »
Les recommandations du PCN font suite à un cas spécifique, déposé par UNI Global Union et des syndicats français, qui décrit en détail les conditions choquantes et insalubres dans les centres d’appel de Teleperformance pendant la pandémie, ainsi que les représailles et les mesures antisyndicales envers les travailleurs qui se sont syndiqués pour obtenir de meilleures conditions.
La plainte déposée en avril 2020 allègue que ces abus ont violé les droits des travailleurs, tels que définis par les Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales, dans dix pays, dont l’Albanie, la Colombie, la France, la Grèce, l’Inde, les Philippines et le Royaume-Uni. Les centres d’appel de Teleperformance concernés par la plainte apportent un soutien à quelques-unes des plus grandes entreprises au monde, dont Apple, Google, Amazon, et Orange.
« En soulignant l’importance du dialogue social, des syndicats et de comités de sécurité indépendants, dirigés par les travailleurs, ces recommandations constituent une feuille de route claire pour Teleperformance afin de renforcer le respect des normes internationalement reconnues en matière de droits humains et d’assurer la santé et la sécurité sur le lieu de travail, » a déclaré Christy Hoffman, Secrétaire générale d’UNI Global Union.
Et d’ajouter : « Nous remercions le PCN pour son examen approfondi des faits, et nous demandons à l’entreprise de suivre ces directives en s’engageant sérieusement avec les représentants des travailleurs au niveau local et mondial. »
Les images les plus troublantes de la gestion de la pandémie par Teleperformance proviennent des Philippines, où des travailleurs ont été contraints de dormir sur les sols exigus des centres d’appel. Un travailleur a décrit les conditions comme étant “inhumaines.”
Le PCN aborde cette question directement en déconseillant l’utilisation des centres d’appel pour l’hébergement des travailleurs et “recommande à Teleperformance d’avoir un suivi renforcé et des mesures de diligence raisonnable spécifiques pour ses activités aux Philippines face aux risques RSE (notamment droits de l’homme, droits sociaux) … En l’absence d’organisations syndicales au sein de la filiale philippine, le PCN recommande au Groupe de promouvoir les consultations et la coopération sur les sujets d’intérêt commun avec des parties prenantes, représentant les travailleurs philippins, présentes aux Philippines ou actives au niveau international. »
Aux Philippines ainsi qu’en Inde, le PCN appelle Teleperformance à « renforcer la représentativité des salariés au sein des comités hygiène et sécurité. » Dans d’autres pays, le PCN recommande que l’entreprise agisse également rapidement pour permettre l’élection de ces comités.
La requête d’UNI à l’OCDE fait également état d’une série de représailles à l’encontre des travailleurs qui se sont syndiqués pendant la pandémie. Teleperformance a licencié des dirigeants syndicaux en Albanie et en Colombie peu de temps après que leur soutien au syndicat eut été rendu public. En Colombie également, la direction a licencié des travailleurs lorsqu’ils ont organisé un débrayage pour protester contre des conditions dangereuses – telles qu’une distanciation sociale inadéquate, le manque d’équipement de protection individuelle et le partage de l’équipement pendant la pandémie.
Selon le PCN, le fait que l’entreprise ait licencié des travailleurs dans ces deux pays est « contraire à la liberté d’association des travailleurs telle que recommandée par les Principes directeurs de l’OCDE s’apparentant ainsi à des pratiques antisyndicales. » [1]
Le PCN appelle Teleperformance à « s’assurer dans les meilleurs délais que ses filiales albanaise et colombienne respectent le droit des travailleurs de constituer des syndicats et des organisations représentatives de leur choix ou de s’y affilier. »
A l’échelle mondiale, l’entreprise devrait « exercer une vigilance particulièrement renforcée dans les cas de licenciements qui concerneraient des représentants du personnel, de représentants syndicaux et de travailleurs syndiqués dans ses pays d’implantation. Le PCN recommande au Groupe de prévoir des mesures de remédiation adaptées si des non-conformités avec les Principes directeurs sont constatées. »
UNI a constaté que les actions antisyndicales de Teleperformance se sont poursuivies après le dépôt de sa plainte auprès de l’OCDE, citant le licenciement d’autres dirigeants syndicaux en Albanie et le renvoi de deux militants en Pologne.
Le PCN s’engage à faire le suivi de ses recommandations dans douze mois.
« Teleperformance connaît une croissance rapide dans les pays où les droits des travailleurs sont systématiquement violés, » a déclaré Christy Hoffman d’UNI. « Les recommandations du PCN montrent clairement que l’entreprise n’a pas fait tout ce qu’elle pouvait pour faire respecter les droits des salariés à la sécurité au travail et à la représentation syndicale. Nous espérons que d’ici un an, la direction de Teleperformance commencera à traiter les travailleurs – et leurs syndicats – comme des partenaires plutôt que comme des ennemis. »
Contexte :
Le 17 avril 2020, la fédération syndicale internationale UNI Global Union a déposé, avec quatre organisations syndicales françaises qui lui sont affiliées, à savoir CFDT Fédération Communication Conseil Culture, CGT-FAPT, CGT Fédération des Sociétés d’Etudes, et FO-FEC— une circonstance spécifique auprès du Point de contact national français de l’OCDE. Cette circonstance spécifique porte sur l’Albanie, la Colombie, la France, la Grèce, l’Inde, le Mexique, les Philippines, le Portugal, le Royaume-Uni et les Etats-Unis.
Comptant 383.000 travailleurs dans 80 pays, Teleperformance est l’un des plus grands employeurs mondiaux de France et la plus grande société de centres d’appel au monde.
UNI s’efforce depuis longtemps de renforcer la diligence raisonnable et le respect des droits des travailleurs chez Teleperformance. En juillet 2019, UNI ainsi que l’ONG française Sherpa ont mis l’entreprise en demeure, arguant que le plan de vigilance de Teleperformance ne répondait pas aux exigences minimales de la loi française sur le devoir de vigilance. UNI coordonne également une alliance mondiale des syndicats de Teleperformance afin de relever les normes au sein de l’entreprise dans le monde entier.