Devant la multiplication des cas de surcharge de travail, à la suite d’un accord d’entreprise qui
autorise des durées de travail jusqu’à 58 heures par semaine, une intersyndicale du cabinet d’audit
a sollicité l’avis des salariés. 97% des votants souhaitent rétablir la limite de 48 heures
hebdomadaires.
“Souhaitez-vous le rétablissement de la limite hebdomadaire de temps de travail à
48 heures chez EY&Associés ?” A cette question, près de 38% des salariés de la filiale d’audit du cabinet
EY ont répondu oui (soit 97% des 40% qui se sont exprimés) lors d’un référendum organisé entre le 14
et le 21 avril, auprès des 3 000 employés.
Cette démarche originale, portée par une intersyndicale CFDT-CGT-CFTC-FO, fait suite à un accord
d’entreprise, signé en 2021 entre la direction et la CFE-CGC, qui permet aux cadres de dépasser
ponctuellement le maximum de 48 heures hebdomadaires prévu par leur convention collective, parfois
même au-delà de seuils fixés à 50 et 58 heures.
Face à un nombre persistant de burn-out et d’arrêts maladie de longue durée, et à la volonté de la
direction de ne pas revenir sur cet accord, il fallait agir, selon Marc Verret, délégué CGT. “Le résultat,
c’est une très forte mobilisation. Notre campagne a suscité de la curiosité, et des attentes.
Historiquement, le référendum a été construit pour contourner les organisations syndicales, mais il peut
être utilisé pour mobiliser les salariés, surtout dans un secteur où la conscience collective est encore à
construire”.
Mais sans la CFE-CGC, les autres syndicats ne peuvent dénoncer l’accord d’entreprise. Si elle n’a pas
souhaité se joindre à l’initiative, l’organisation se montre critique envers les conditions de travail chez
EY&Associés et a demandé une révision de l’accord.
“Les mesures actées ne sont pas suffisantes”
“C’est une très bonne idée de solliciter l’avis des salariés, mais les questions du référendum n’étaient
pas les bonnes, puisqu’il y a quand même des mesures bénéfiques dans ce texte, explique
Laurie-Anne Cadel, déléguée syndicale qui l’avait signé à l’époque. Mais on a encore des cas de
surcharge de travail importants. Les mesures actées ne sont pas suffisantes, il faudrait aussi faire plus
en matière de prévention.” Selon elle, il sera néanmoins difficile d’empêcher le dépassement ponctuel
des 48 heures, “qui fait partie du business model du secteur”.
Dans sa réponse au Monde, la direction du cabinet ne s’exprime pas sur la valeur qu’elle attribue (ou
non) à ce référendum, et cite les “mesures d’équilibre” prévues dans l’accord, comme “l’octroi de jours
de repos additionnels en cas de charge particulièrement intense” ou “la grande flexibilité en termes de
télétravail”. Elle assure que “des propositions ont d’ailleurs déjà été faites pour renforcer les dispositifs
existants en matière de pilotage de la charge de travail”.
Alors que les négociations annuelles sur les salaires se profilent dans l’entreprise, les syndicats
comptent capitaliser sur le mécontentement des salariés. “Les collaborateurs ont des attentes, et les
dernières augmentations de la grille de rémunération fixe remontent à trois ans, ajoute Mme Cadel. On
a une fenêtre de dialogue qui s’offre à nous, il faut en profiter.” L’intersyndicale souhaite elle aussi “un
dialogue social d’égal à égal apaisé et constructif”, mais “si la direction ne bouge pas, on fera monter
le rapport de force”, prévient Marc Verret.