Le 30 octobre 2024, le tribunal de commerce de Nanterre a approuvé le plan de « redressement » financier proposé par les créanciers d’Atos, les rendant de fait propriétaire de l’entreprise. Ce plan ne résout rien puisqu’il repousse l’échéance de la dette à 2028/2029 avec des taux d’intérêts beaucoup plus élevés. Il maintient la gouvernance de l’entreprise l’ayant pourtant menée à sa perte et organise une possibilité d’évasion fiscale en transférant l’ensemble des actifs vers deux holdings domiciliées aux Pays-Bas. On voudrait soustraire la casse sociale et la perte de souveraineté industrielle aux yeux des représentants de la nation, on ne s’y prendrait pas autrement…
En France, le groupe est la référence des prestataires informatiques auprès des services publics et parapublics (santé, énergie, transports, défense…) représentant 70% de son chiffre d’affaires. Cette vitrine expose la direction aux interventions gouvernementales, aux enquêtes parlementaires, et au foisonnement d’articles dans la presse. Notre PDG l’a proclamé tout net « il faut arrêter les ingérences de l’Etat français dans la gouvernance du groupe ». Atos a pourtant accepté un prêt de l’état de 50 millions d’euros pour faire face aux dépenses courantes.
La CGT ATOS alerte depuis des années sur les méthodes et décisions d’une gouvernance dont l’incompétence est aujourd’hui avérée. La fuite en avant vers une croissance externe a endetté l’entreprise à outrance sans amener les bénéfices attendus. Les nombreux projets de restructuration aux coûts exorbitant ont considérablement enrichi des cabinets de conseil tout en pénalisant fortement le fonctionnement du groupe. Depuis un peu plus d’un an, le syndicat CGT interpelle les représentants de la nation et la presse en proposant un projet alternatif pour sauver Atos.
https://www.cgt.fr/actualites/numerique-mobilisation/pour-sauver-atos-une-alternative-est-possible
https://www.cgt.fr/comm-de-presse/la-cgt-demande-letat-de-sengager-pour-atos-et-ne-pas-se-cacher-derriere-les-investisseurs-prives
Nous proposons le désengagement du marché nord-américain qui pénalise les comptes, le recentrage sur les activités profitables en France et en Europe, cœur de notre souveraineté industrielle et technologique, et la nationalisation de l’entreprise pour échapper aux fonds spéculatifs et pérenniser l’emploi. Les conclusions de la mission d’information du Sénat d’avril 2024 vont dans le même sens.
https://www.senat.fr/travaux-parlementaires/commissions/commission-des-affaires-economiques/lavenir-datos-une-question-de-souverainete.html
L’urgence est là : le démantèlement du groupe a commencé avec la vente de la filiale italienne et de plusieurs entités dont la contribution aux résultats de l’entreprise est prépondérante, comme Worldgrid spécialisé en particulier dans le nucléaire. La prochaine étape concerne la production de supercalculateurs, les activités de cybersécurité, de gestion des données et l’intelligence artificielle. De nombreux représentants de la nation demandent eux aussi la nationalisation immédiate d’Atos pour sauver ses activités et ses emplois. C’est le cas, entre autres, des députés Aurélien Saintoul et Bastien Lachaud soutenu par les commissions de la défense et celle des finances de l’Assemblée nationale et son président Eric Coquerel, du sénateur Fabien Gay, ou de l’ancien ministre de l’Économie Arnaud Montebourg. Tous reprennent les arguments développés par la CGT Atos et la commission d’information du Sénat.
https://www.lefigaro.fr/vox/economie/arnaud-montebourg-le-gouvernement-doit-empecher-les-fonds-vautours-de-depecer-atos-20241030
Le cours de l’action Atos, historiquement bas, permet aujourd’hui une nationalisation pour quelques dizaines de millions d’euros alors que le chiffre d’affaires de la société est toujours de l’ordre de 10 milliards d’euros. Le ministre de l’Économie, jugeant stratégique les activités d’Alcatel Submarine Networks, prévoit une prise de participation de l’état dans cette entreprise d’un montant de 100 millions d’euros. Alors pourquoi ne pourrait-il pas prendre des mesures plus pérennes et ambitieuses que l’acquisition d’une action quasi symbolique « de préférence » d’Atos, limitée au périmètre de production des supercalculateurs ? Pourquoi ne pas user de son influence pour que l’acquisition d’une machine destinée au ministère de la défense bénéficie à notre entreprise, dernier constructeur français, plutôt qu’à l’américain Hewlett-Packard ?
Dans ces conditions, que vont devenir les secteurs entiers de l’économie souveraine française administrés par Atos ? Quelles seront les conséquences sociales et sur nos emplois ? Il faut maintenant aligner les actes sur les nombreux discours politiques autour de la souveraineté française et européenne en matière de recherche scientifique, de réindustrialisation ou de développement de l’intelligence artificielle, toutes activités dont Atos est le pivot. Le sommet pour l’action sur l’IA, prévu début 2025 et voulu par le président de la République ne saurait se tenir en ignorant la casse d’une des entreprises françaises qui en est le pilier et des salariés qui l’ont construite.
La CGT appelle la représentation nationale à prendre ses responsabilités et mettre en œuvre tous les moyens de la puissance publique pour préserver l’entièreté de l’outil industriel, dans toute sa cohérence, afin d’éviter un énième démantèlement à bas bruit d’un grand groupe industriel. Il en va de la souveraineté numérique européenne et de la sauvegarde d’un fleuron technologique du tissu industriel français.